Médecins de la Grande Guerre
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Marneffe conserve le souvenir des
héros du Le collège français Saint Joseph de Marneffe près de Huy connut une existence brève de 1901 à 1919. Sa fondation provient de l’exil des congrégations religieuses françaises entraînées par l’application de la loi Combes[1]. De l’existence de ce collège fondé par les Jésuites français chassés de leur pays, il ne reste à Marneffe qu’un seul mais emblématique vestige au cœur de ce qui est aujourd’hui l’école belge des agents pénitenciers : un exceptionnel monument, sur lequel trône une Jeanne d’Arc triomphante qui continue à nous rappeler encore aujourd’hui les noms des élèves et professeurs de l’ancien collège qui moururent pour la France durant la Grande Guerre. Malgré le ressentiment d’avoir été injustement exilés, les Jésuites et leurs élèves rejoignirent en nombre l’armée française pour s’enrôler. 68 d’entre eux perdirent la vie dans ce conflit. Pour compléter le souvenir des collégiens de Marneffe qui vécurent l’enfer de la Grande Guerre, il serait idéal de conter leurs existences. Pour initier ce travail de mémoire, voici ci-dessous la relation de quatre d’entre-elles. Le premier élève évoqué, André de Gennes survécut à la guerre et devint un véritable héros. Les trois autres « anciens » évoqués ont leurs noms sur le monument de Marneffe. Deux étaient des frères de sang et furent liés dans la vie comme dans la mort. Leur histoire aurait pu atteindre la notoriété et devenir une véritable « légende » mais ce ne fut pas le cas. La dernière victime dont la mort vous est racontée était un jeune professeur jésuite. Aujourd’hui donc, le site de l’ancien collège appartient à l’administration pénitentiaire belge qui y possède une école. Puissent les élèves agents pénitentiaires se souvenir en passant chaque jour devant ce monument du courage des jeunes gens français qui, avant eux, étudièrent en ces lieux. Le parc de l’ancien collège français Saint Joseph de Marneffe 1)
André de Gennes, héros de l’aviation[2] Né à Liévin le 19 avril 1893, André de Gennes est pensionnaire au collège Saint-Joseph de Marneffe de 1904 à 1906. Ensuite, son père l'envoie passer une année en Angleterre au collège tenu par les Jésuites à Beaumont où il reçoit l'Oxford and Cambridge Lower certificate Examination puis il revient en 1907 achever ses études à Marneffe. Il passe son baccalauréat ès-lettres à Paris le 26 juin 1909. Il entre à l'Ecole de Saint-Cyr le 10 octobre 1913 comme aspirant de cavalerie et en sort l'année suivante, promotion de Montmirail baptisée le 29 juillet 1914. Par décret du 12 août 1914 il est nommé sous-lieutenant pour prendre rang du 5 août précédent. Affecté comme sous-lieutenant au 7e Chasseurs, il part le 5 août pour le front avec son régiment. Il participe à la reprise de l'offensive et à la bataille de la Marne du 5 septembre au 24 octobre, aux opérations sur l'Yser du 24 octobre au 4 décembre et à la campagne d'hiver en Champagne du 6 décembre 1914 au 10 mai 1915. Le 14 juin 1915 il sollicite son passage dans le service de l'aviation et est envoyé comme élève à Pau le 9 août suivant. Le capitaine Collard lui donne le goût de la voltige qui fera de lui un as de l’aviation. Breveté le 18 novembre 1915, il rejoint l'escadrille n° 69 qu'il rejoint à Avesnes-le-Comte le 25 janvier 1916 puis passe le 10 février à l'escadrille de chasse Spa 57 positionnée à Savy-Berlette (Pas-de-Calais). C'est dans cette escadrille, qu'il accomplit sa première mission contre l'ennemi le 12 février 1916 et remporte sa première victoire le 14 mars. Il se fait vite remarquer par des exercices périlleux et sa première punition de 4 jours d'arrêt de rigueur et 8 jours de mise à pied mentionne le motif suivant : " Au cours d'un vol au-dessus de Saint-Pol a fait des pitreries dangereuses " ! Son escadrille est envoyée le 20 mars à Lemmes, près de Verdun (Meuse), et il en prend le commandement. Cela lui vaut d'obtenir sa première citation à l'ordre du 33e Corps d'Armée en date du 11 avril 1916 avec la remise de la croix de guerre (2 palmes et 1 étoile) : "
Jeune pilote qui, dès son arrivée, a livré de nombreux combats. Le 14 mars,
attaquant 2 Albatros, a contraint l'un d'eux à atterrir précipitamment dans ses
lignes. Le 31 mars, au cours d'une mission dans les lignes allemandes, a
secouru un de ses camarades en prenant en chasse, à très courte distance, un
Fokker et l'a forcé à interrompre son attaque et a contribué à sa chute. "
Lors de l'attaque de Douaumont le 22 mai 1916, six drachen
furent mis en flammes dont un à l'actif d'André de Gennes. Il ne tarde pas à
être nommé pour la deuxième fois à l'ordre de la 2e Armée le 10 juin
1916 : "
Pilote plein d'entrain au combat. S'est signalé en maintes reprises par
l'attaque audacieuse d'avions ennemis dans leurs lignes. Le 22 mai 1916, s'est
porté à l'attaque d'un drachen ennemi qu'il a abattu
en flammes. "
Le 1er juillet 1916, il est attaqué par les avions allemands,
arrive à en descendre un, mais est obligé d'atterrir dans les lignes ennemies.
Il met le feu à son avion avant d'être fait prisonnier de guerre.
On fut incertain de son sort jusqu’au moment où un officier allemand
complaisant fit passer par la Suisse l'avis qu'il était sain et sauf et traité
avec égards. Son chef, le capitaine Duseigneur, écrit
alors à sa mère : Gros plan sur la statue " Il
est si follement brave, si magnifiquement audacieux, si désireux de se dévouer
jusqu'à la dernière limite, que je redoutais toujours pour lui un accident
tragique. Alors, le savoir en sûreté, me sera une joie. Je suis heureux de
pouvoir vous annoncer qu'une nouvelle citation à l'Armée m'est promise pour
lui. Ce n'est qu'une petite récompense de tout ce qu'il a fait. La meilleure
pour lui est la profonde affection comme l'admiration illimitée qu'il inspire à
tous. "
La citation à l'ordre de la 2e armée est signée par le général
Nivelle le 24 juillet 1916 : "
Pilote hors ligne par son habilité et son audace qui lui ont toujours fait
solliciter les missions les plus périlleuses. A livré pendant le seul mois de
juin plus de 20 combats aux avions ennemis qu'il a toujours harcelés jusqu'à ce
qu'ils fassent demi-tour. Le 1er juillet, s'est porté à une très
faible altitude à l'attaque d'un drachen qu'il a
abattu en flammes. "
Durant sa captivité, il tente plusieurs fois de s’évader ce qui lui vaut
des mises au cachot. Il change plusieurs fois de camp d'internement : Stenay,
Fürstenberg, Mayence, Ströhen et enfin Strasbourg. Il
est enfin libéré puis rapatrié le 21 janvier 1919.
Par après il participera à l’occupation de la Ruhr en étant affecté à la
Division aérienne de Neustadt jusqu’au 15 décembre 1919.
Evoquant l'occupation de la Ruhr, le général Loustaunau-Lacau raconte : "
C'était tout de même quelque chose d'être là. De temps à autre, les
Britanniques procédaient à d'importantes prises d'armes sur la place de la
Cathédrale et, tandis que les escadrilles de Sa Majesté survolaient le Rhin, on
voyait poindre à l'horizon le Morane du capitaine de Gennes, mon camarade de
Saint-Cyr. Il arrivait en rasant les murs, fonçait entre les deux flèches du
Dom et, se renversant sur une aile, s'en allait passer en trombe sous l'arche
centrale du pont. Le maréchal Joffre vint, et ce fut du délire. Quelle image d'Epinal
! Le vainqueur de la Marne, en dolman noir et culotte rouge, seul au milieu de
la place, devant les tours qui symbolisaient les siècles germaniques ... "
. (LOUSTAUNAU-LACAU, Mémoires d'un Français rebelle, Paris (R. Laffont), 1948,
p. 53) L’avant du socle
A son retour en France, il est affecté le 1er janvier 1920 au
1er régiment d'aviation de chasse à Thionville et nommé commandant
de la 102e escadrille. C'est à cette époque qu'il adopta comme
marque personnelle la lettre " Z " peinte sur le fuselage de son
avion.
Le 29 mars 1920, il subit un terrible accident : son avion, un Spad VII, se met en vrille et s'écrase au sol, lui-même
s'en sort avec des plaies aux cuisses et aux jambes, ainsi que des contusions
dans la région orbiculaire droite avec arrachement de la paupière supérieure.
Il est évacué à l'hôpital de Metz où il reste quinze jours, puis il bénéficie
d'un congé de convalescence dans sa famille. De retour à l'aviation, il est
envoyé en mission en pays rhénan du 6 au 25 juin 1921, puis revient à
Thionville. Il se marie le 24 novembre 1921. De retour à Thionville, il est
nommé commandant provisoire d'un groupe de chasse de 4 escadrilles et promu
capitaine pour prendre rang du 25 décembre 1922 (décret du 27).
Le 2 octobre 1923, il est affecté au 4e groupe d'aviation
d'Afrique. Il s'installe à Tunis avec sa famille, et c'est là que naît son fils
Jean-Pierre le 18 octobre 1927. Son séjour en Tunisie terminé et il est affecté
le 5 janvier 1930 au 3e régiment d'aviation à Châteauroux où il
s'installe avec sa famille.
Le 26 novembre 1931, il est affecté au Ministère de l'Air, Etat-major
général. Il vient s'installer à Paris avec les siens.
Le 23 décembre 1933, il est promu officier de la Légion d'Honneur et
décoré des mains du général Houdemon à l'occasion
d'une grande prise d'armes sur le terrain d'aviation de Villacoublay.
L’arrière du socle
Il quitte le Ministère étant affecté le 9 juin 1934 à la 2e
escadre aérienne à Tours comme commandant de groupe. Il prend pension à Tours
avec d'autres officiers, tandis que sa famille restant à Paris s'installe 85
rue La Fontaine. Il est promu le 25 juin 1934 chef de bataillon alias
commandant.
Il est transféré à Chartres le 1er décembre 1936 où il assume
successivement le commandement de la 2e escadre de chasse, puis de
la 6e escadre et enfin de la 1ère escadre, pour revenir
en 1939 à la 6e escadre.
Le 14 juillet 1939, il participe au défilé aérien au-dessus des
Champs-Elysées à la tête de la 2e escadre, pilotant un Morane 236.
Le 27 août 1939, il est détaché au C.R. de D.A.T. à Rouen. C'est là
qu'il se trouve lors de la déclaration de guerre du 2 septembre. Il part le 1er
janvier 1940 pour le front comme officier supérieur adjoint au Lieutenant-colonel
de Moussac, commandant le groupe de chasse n° 25 à
Aire-sur-la-Lys. Il participe comme chef de détachement à diverses opérations
en Belgique et Hollande.
Le 11 juin 1940, il est affecté à la zone d'opération aérienne des Alpes
à Toulon, comme commandant la 8e escadre ou sous-groupement de
chasse n° 44 de la 3e région maritime. Sur ce dernier commandement,
le capitaine de vaisseau Latham, chef du Service de l'Aéronautique Navale et
ancien commandant de l'Aéronautique de la 3e Région Maritime, a fait
le 6 août 1940 un élogieux rapport : L’arrière du socle en détail " Le Commandant de Gennes a pris le
commandement du sous-groupement 44 en juin 1940. " Il a été chargé sous
les ordres du Préfet maritime de la défense du littoral par l'aviation de
chasse. Il a eu sous ses ordres les formations de chasse de la Marine (une ou
deux escadrilles) et un groupe de coopération maritime (groupe 2/8). La IIIe
Armée aérienne avait en outre mis à sa disposition, en cas d'alerte, certaines
patrouilles à fournir par les groupes de chasse de l'Armée de l'Air stationnés
dans la Région." Le Commandant de Gennes exerçait son commandement du P.C.
chasse installé à la caserne Gambin à Toulon." Dès
son arrivée le Commandant de Gennes a organisé avec activité et compétence ses
liaisons avec les diverses formations susceptibles de coopérer à la défense du
littoral." Dans le commandement complexe qu'il exerçait, il a fait preuve
de tact, de fermeté et d'une parfaite connaissance de son métier." Il a su
organiser dans les meilleures conditions la défense du littoral en tenant
compte à la fois de l'organisation " Marine " existante et des
besoins particuliers des formations de l'Armée de l'Air appelées à intervenir."
Je n'ai eu qu'à me louer des services du Commandant de Gennes qui a largement
contribué au succès avec lequel les attaques aériennes italiennes sur la région
de Toulon ont été repoussées." Je serais heureux de voir récompenser cet
Officier dont j'ai pu apprécier l'intelligence, les connaissances techniques et
le parfait esprit de collaboration."
A la suite de l'armistice et en application de la loi du 2 août 1940
abaissant les limites d'âge, il est mis en congé du personnel navigant.
Il totalisait 96 missions avec 1.241 heures de vol. Il pilota
successivement 72 avions de marques et de types différents, notamment des
Blériot, Morane, Spad, Nieuport, Breguet, Potez,
Caudron, Dewoitine, etc.
Ne pouvant plus faire d'aviation, passion de toute sa vie, il se lance
dans le vol à voile dès juin 1947.Très calé en astronomie, on lui doit en 1946
une " Carte de l'hémisphère nord en projection éclatée pour la
représentation des lignes aériennes circumpolaires " et une " Carte
boréale et équatoriale du ciel en projection éclatée ", permettant "
de représenter sur une seule carte, avec un minimum de déformation, la totalité
de la partie du ciel visible de France ". L’arrière du socle en détail
Affaibli, et après de fréquents séjours au Val de Grâce ou à l'hôpital
militaire de Versailles, il s'éteint à Gouy le 30
janvier 1975 à l'âge de 81 ans. 2) L’amour
fraternel des frères Veuillot n’eut pas raison du destin.
Les frères Veuillot sont les petits-neveux de Louis Veuillot, très connu
en France pour avoir été un journaliste catholique militant pour la conservation de l’enseignement
catholique et le célèbre rédacteur en
chef de la revue « L’univers ». Leur père, Pierre Veuillot fut lui
aussi journaliste mais succomba prématurément en 1907. Pas étonnant donc que
les deux jeunes orphelins Henri et Bernard aient été envoyés au collège
français de Marneffe pour y suivre l’enseignement des jésuites proscrit en France
depuis la loi combes de 1901 votée par un gouvernement anticlérical. En 1912,
Henri achève donc ses humanités en Belgique. Il se destine à devenir lui-même
jésuite et part faire son noviciat à Cantorbéry. Au printemps 1914, il passe devant
le conseil de révision mais est réformé pour le service armé à cause des crises
de céphalées intenses et fréquentes qui l’affaiblissent fortement. Il est par
contre déclaré apte pour les services auxiliaires. C’est ainsi qu’en avril 1915
il est appelé à servir dans un état-major. Rapidement Henri, ne supporte plus
sa situation de planqué et demande à repasser devant le conseil de révision.
Lors de cette seconde parution, à sa grande satisfaction il est déclaré apte au
service armé et après une instruction militaire de quelques mois, il a la
satisfaction de rejoindre comme caporal son frère aîné Bernard, aspirant
officier au 172ème R.I. le 15 août. L’aumônier du Régiment se
souvint des deux frères qui étaient persuadés qu’un des deux donnerait sa vie
pour la France. Chacun d’entre eux s’efforçait de persuader l’autre d’être le plus
apte au sacrifice suprême. Mille raisons étaient échangées et ces discussions
de rhétorique marquèrent évidemment l’aumônier qui n’oubliera jamais l’esprit
de sacrifice qui animait les deux frères Veuilllot.
Il sembla d’abord que ce soit Henri qui ait eu raison car six semaines
après son arrivée au régiment, il succomba. Après seulement une semaine de vie
de tranchée, sur la butte de Souain, tranchée qui
était occupée pour moitié par les Français et pour l’autre par les Allemands,
Henri eut le malheur de se trouver sur la trajectoire finale d’un obus qui lui
broya les deux membres inférieurs. Sur son journal intime retrouvé dans sa
poche, on pouvait lire sur la première page « Vive la France ». Ce
fut ces même mots qu’il répéta pendant qu’on lui faisait un bandage provisoire
avant d’être évacué vers le poste de secours : « J’ai fait mon
devoir, je suis content, vive la France. Continuez à bien vous battre et à son
frère en larmes « Ne pleure pas,
j’ai fait mon devoir, continue à faire le tien ». Henri décéda le soir même à l’hôpital
divisionnaire.
Bernard Veuillot, 22 ans, âgé d’un an de plus qu’Henri crut sans doute
que le sort avait déjà réalisé le sacrifice que les deux frères avaient prévu. Il
s’imagina sans doute devoir survivre à cette guerre infâme mais l’avenir devait
se révéler aussi imprévisible que cruel.
Le 7 décembre, soit deux mois après son frère, il périt à son tour lors de l’explosion d’un obus.
Les deux frères Veuillot ont leur nom gravés sur le monument qui trône
sur la pelouse de l’ancien collège de Marneffe devenu depuis lors une école de
formation pour les agents pénitentiaires. L’histoire des deux frères Veuillot
nous interpelle. L’amour fraternel les poussa à s’offrir en victime pour que
l’un d’entre eux soit sauvé. Le sort ne voulut pas du destin qu’ils avaient
désiré, mais devant un si grand amour fraternel, on peut imaginer qu’il fut
impuissant à séparer les deux frères plus longtemps que quelques semaines. 3) Le Père Burgaud Le Père jésuite Burgaud
fut un jeune professeur du collège Saint Joseph de Marneffe. Le texte qui suit est extrait du livre de
Joseph d’Archambault. Ce récit pathétique est suivi d’un poème intitulé L’inventaire qui prend comme thème les
objets retrouvés sur le corps du malheureux jésuite à savoir son crucifix déformé
par l’explosion de l’obus meurtrier, un papier qu’il conservait toujours sur
lui et sur lequel ses vœux de prêtre étaient consignés et enfin un médaillon
reliquaire contenant une parcelle d’hostie consacrée. A partir de ces trois
objets, le poète disserte sur la vie et la mort d’un jeune jésuite. Ce poème
d’un autre temps, malgré sa longueur, continue cependant à nous interpeller. L’arrière du socle en détail Le 14 février 1916,
un jeune aumônier jésuite, le Père Albert Burgaud,
était porté comme disparu à son régiment. On ne le retrouvait que quelques
jours plus tard, enseveli sous un amas de terre dans une tranchée. Une lettre
apporta bientôt les détails suivants. "Nous venons de retrouver
aujourd'hui, après trois jours de recherches, le corps du cher aumônier du Xe
territorial. A trois heures et demie environ de l'après-midi, son ordonnance,
continuant ses recherches dans une tranchée, l'a enfin découvert sous un
éboulement. Il se trouvait à quelques mètres d'une de nos batteries du N . .
d'artillerie, soumise depuis quelque temps à un feu très violent de la grosse
artillerie ennemie. Il passait par là, pour se rendre près d'un groupe de
blessés de son régiment, qu'on venait de lui indiquer à quelque distance.
C'était le lundi, vers quatre heures et demie de l'après-midi. Le cher aumônier
portait encore sur lui la sainte Réserve que j'ai prise. J'ai aussi enlevé tous
les objets qu'il avait, en particulier sa formule des vœux écrite de sa main et
hachée par les éclats d'obus, de même un crucifix qu'il portait sur la poitrine
et qui a été tordu par le choc de l'obus. Le cher Père avait le corps et la
poitrine complètement broyés, la tête seule était à peu près sans blessures. Il
a dû mourir sur le coup." En possession de
cette lettre et guidé par elle, le Père Longhaye, a
composé un très beau poème, intitulé l’Inventaire. C'est moins, écrit-il
lui-même, l'éloge d'une personnalité déterminée qu'une sorte de symbole,
d'ailleurs exactement calqué sur un fait réel et sur un document authentique.
Nous nous permettons de reproduire en entier cette pièce de vers. L’inventaire : C'est bien lui . . . Son visage est calme, sans blessure. Faibles esprits, jouets du changement, Et c'en est fait, l'âme est partie. Le 16 mars,
le général Gouraud citait à l’ordre de l'armée le Père Burgaud
: " Aumônier bénévole, a toujours accompli avec zèle les devoirs de son
ministère en se portant au bataillon le plus exposé de son régiment. Le 14
février 1916, a trouvé une mort glorieuse en allant spontanément, et sous un
bombardement très violent, vers un régiment de première ligne particulièrement
éprouvé, et en traversant pour s'y rendre une zone qui lui avait été indiquée
comme très dangereuse." 4) Le Père Lenoir Le Père Louis Lenoir, né en 1879 et ordonné prêtre en 1911, fut un remarquable professeur à Marneffe dans les années précédant la Grande Guerre. Plus de cent
jésuites français partagent, avec le Père Burgaud,
l'honneur d'avoir donné leur vie, durant cette guerre, pour la patrie. Sources et notes : [1] Cabanel Patrick. Le grand exil des congrégations enseignantes au début du XXe siècle. L'exemple des Jésuites. In : Revue d'histoire de l'Église de France, tome 81, n° 206, 1995. L'enseignement catholique en France aux XIXe et XXe siècle. pp. 207217 ; Cet article se trouve sur : Le grand exil des congrégations enseignantes au début du XXe siècle. Autres sources : 4) « Journal
de la Meurthe et des Vosges » du samedi 18 décembre 1915 5) « Le
prêtre sur le champ de bataille d’après les lettres des religieux français. »
Joseph-Papin Archambault. Editions du Devoir. Montréal 1916. 6) Journal
« La Croix » N° 10037 du dimanche 28 et lundi 29 novembre 1915 |