Médecins de la Grande Guerre

Mon Grand-Père, le Colonel Albert Dumortier.

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Mon Grand-Père, le Colonel Albert Dumortier



Colonel Albert Dumortier en 1962 avec ses petits enfants, ma sœur et moi. (Photo Luc Rahier)

       Né le 04 Juillet 1890 de parents de la haute bourgeoisie, et après une petite enfance sinon heureuse, du moins exempte de problèmes financiers Albert fréquente pour commencer le « Juvénat » ou il est envoyé en pension dès son plus jeune âge.
(Le « Juvénat » étant curieusement une section pour petits garçons dans une école de filles).
Il a seulement 14 ans et toujours pensionnaire mais dans un collège de garçons à présent, lorsque son Père décède en 1904 à l’âge pourtant jeune de 53 ans.
Comme Albert est un bon élève assidu et ayant soif d’apprendre, il poursuit ses études et est envoyé à l’Université de Gand ou il obtient avec mention une License en sciences commerciales et financières. Il poursuit ensuite des études diplomatiques et consulaires à l’Université d’Anvers.

       Nanti de ses diplômes, mais ayant également ajouté à son français maternel plusieurs langues étrangères, dont le néerlandais, l’anglais, l’allemand ainsi que le turc, voici notre jeune Albert qui s’embarque pour l’Angleterre en 1909.
Il n’a que 19 ans, mais obtient le poste de bras droit d’un riche noble anglais, Sir Fréderic Norman.
Ce dernier étant propriétaire-directeur d’une grosse compagnie d’assurance internationale dont le siège se trouve à Liverpool.
Cette fonction amène Albert à effectuer des voyages professionnels dans toute l’Europe, mais également en Orient puisqu’il se rend à plusieurs reprises jusqu’à Constantinople (Istanbul) empruntant pour se faire le célèbre « Orient Express ».

La guerre de 1914 - 1918

       La vie aurait donc pu s’écouler d’une façon très heureuse et simple pour Albert qui a alors très exactement 24 ans, si ce n’était l’invasion de la Belgique par l’Allemagne le 04 Août 1914.
La presse britannique commentant abondamment les événements, c’est par elle que sur une liste de militaires décédés au combat il découvre le nom de son frère Antoine, Capitaine commandant de la Compagnie mitrailleuses au 4ème Régiment de Ligne.

       N’écoutant que son courage et sa fibre patriotique, il prend alors la décision de quitter l’Angleterre pour rejoindre son pays et s’engager comme volontaire de guerre dans ce même 4ème Régiment de Ligne, pour y remplacer son frère disparu.

       A cette époque, les batailles de Liège, Namur et Mons sont déjà loin. L’armée belge, après avoir vaillamment combattu l’envahisseur a effectué une retraite sur Anvers ou elle s’est retranchée et effectue régulièrement, couverte par une ceinture de fortifications, des raids meurtriers dans les lignes allemandes.
La situation devenant malgré tout intenable, le Roi Albert 1er qui a depuis le début du conflit pris la tête et le commandement de son armée décide en Octobre 1914 de quitter Anvers et d’effectuer une retraite en direction de l’Yser, un tout petit fleuve qui va lui servir de rempart.
La position est difficile à tenir, le terrain est tout à fait plat. Il n’y a qu’un seul abri : il est constitué par le talus du remblai de chemin de fer Nieuport-Dixmude. La bataille fait rage entre Dixmude et Nieuport. Les assauts sont repoussés plusieurs fois, l’ennemi subit des pertes considérables. Mais les soldats, soumis à un bombardement ininterrompu dans un enfer indescriptible sont à bout de force.
C’est alors que des officiers belges ont une idée de génie : inonder la partie du terrain où se trouve l’armée allemande en ouvrant les écluses de Nieuport.
Les eaux de la marée et des canaux se répandent dans la plaine. Les lourdes pièces d’artillerie allemandes s’enfoncent dans la vase et deviennent pratiquement inutilisables. Les hommes sont également embourbés.
Les allemands sont stoppés, mais ils s’organisent pour conserver le terrain conquis. La guerre de mouvement s’achève pour devenir une guerre de position.
C’est ainsi que l’Yser, un petit cours d’eau, et un talus de chemin de fer sont devenus les murailles qui ont arrêté l’envahisseur. Les allemands n’avanceront plus, ils ne parviendront jamais à occuper toute la Belgique. Les armées vont s’enterrer pour se faire face pendant quatre ans dans une pénible guerre de tranchées.
Chacun épie l’autre, et dès qu’un soldat montre la tête il se fait tirer dessus.
Les tranchées sont bombardées pendant des heures, des jours parfois, le paysage change en quelques heures, des collines apparaissent ou disparaissent au gré des explosions, on ne reconnait plus rien.
Au coup de sifflet, assourdi par le vacarme des déflagrations, il faut bondir hors de la tranchée pour courir vers celle de l’ennemi.
Il faut alors traverser le « no man’s land » truffé de fils de fer barbelés qui déchirent la peau et les vêtements ; les mines explosent sans crier gare, pulvérisant les corps en plusieurs morceaux. Il faut sauter par-dessus les cadavres jonchant le sol, éviter les balles et les obus ennemis… Pour finir dans la tranchée adverse dans d’horribles corps à corps à coups de baïonnettes où tous les coups sont permis pour sauver sa peau. 

       L’armée adverse n’est pas le seul ennemi qu’il faut combattre. Survivre dans les tranchées est très pénible. Les rats et les puces, sources de nombreuses infections, y pullulent. On y reste de nombreux jours, on dort à même le sol, on ne peut pas se laver, on souffre du froid, de la faim, de l’humidité et de nombreuses maladies.

       C’est dans ce contexte qu’Albert rejoint en Novembre 1914 ce petit coin inviolé du territoire national, et le fameux  4ème de Ligne.



Capitaine Antoine Dumortier et Sous-Lieutenant Albert Dumortier en octobre 1916 au lieu dit Roode Poort. (Photo Luc Rahier)

       Quelle surprise et quelle joie à son arrivée de retrouver Antoine bien vivant, et toujours officier commandant de la Compagnie mitrailleuses de ce Régiment.
L’annonce du décès de son frère par la presse britannique était en réalité une grossière erreur.

       Arrivé au front au grade de Soldat de 3ème Classe, puisque volontaire de guerre, Albert fait son service aux tranchées, le coup de fusil et prend part aux assauts meurtriers avec les autres « Jass » de son unité (« Jass » : surnom donné aux soldats belges, principalement de l’infanterie… Comme le surnom de « Poilus » pour leurs homologues français).

       Mais il ne reste en réalité pas longtemps dans ce grade subalterne.
En effet, l‘effectif des Cadres ayant fondu comme neige au soleil durant les premiers mois de campagne, le Commandement de l’Armée Belge effectue à cette période un appel au sein des Unités incitant les universitaires dans les rangs à se porter volontaires pour suivre une formation d’Officier, ceci afin de remplacer les disparus.
Répondant aux conditions requises, Albert se présente et le voilà envoyé en Haute-Normandie, à Gaillon, pour y suivre une formation accélérée dans un centre d’instruction de l’Armée Belge.

       Albert qui était jusqu’alors au 4ème Régiment de Ligne essentiellement composé de personnels de la région brugeoise, retrouve à Gaillon des condisciples provenant des environs de Tournai avec qui il peut parler le patois picard sans réserve.
Bénéficiant d’une permission de quelques jours nos compères s’arrangent pour aller passer ce moment de liberté à Paris, la ville lumière.

Revêtus de leurs uniformes belges inconnus des parisiens, nous les retrouvons assis en train de siroter une boisson à une terrasse de café. L’un d’eux avisant un chat couché au soleil sur un appui de fenêtre dit aux autres : « Wrête el cat qui s’coffe » (Regarde le chat qui se chauffe, en langage picard)… A ce moment les parigots alentour qui n’ont rien compris se lèvent comme un seul homme et applaudissent en criant : « VIVE LA RUSSIE » !

       Formation achevée après quelques mois, et arborant les étoiles toutes neuves de Sous-Lieutenant aux collets de sa vareuse, voici notre Albert de retour à son unité sur le front de l’Yser.



Capitaine Antoine Dumortier et Sous-Lieutenant Albert Dumortier : Yser 1917. (Photo Luc Rahier)

       Ses supérieurs hiérarchiques le désignent alors comme Chef de Peloton pour les « missions militaires spéciales ».
Parmi ces missions, les patrouilles de nuit furent les plus fréquentes. Il s’agissait de parcourir le « no man’s land » et de se renseigner sur les positions ennemies. Après avoir franchi les réseaux de barbelés des lignes belges, la patrouille progressait à travers la végétation et les terres inondées. Il fallait avoir les sens à l’affût pour détecter le moindre bruit d’une patrouille ennemie. La mission pouvait également être de faire prisonniers un ou plusieurs soldats allemands pour les ramener dans les lignes belges à fin d’interrogatoires, ou de tendre une embuscade à un endroit précis.
Pour exécuter ces missions spéciales la diversité des armes blanches est grande, couteaux, matraques et poignards supplantent les armes réglementaires car il s’agissait souvent d’un combat corps à corps rapide et sans bruit.

       Des opérations plus spectaculaires, mais malheureusement plus couteuses en pertes humaines ont été réalisées. Il s’agissait notamment d’enlever des avant-postes allemands.
Parmi ces opérations, il y eu la célèbre attaque dite « des tanks à pétrole » à laquelle participa le Sous-Lieutenant Dumortier. Ces réservoirs à carburant étaient restés aux mains des allemands après la bataille de l’Yser, et le 4ème de Ligne reçu pour mission de les déloger. Cette opération périlleuse fut réalisée en mai 1915. Elle tua de nombreux combattants belges pour un gain de territoire minime. C'est-à-dire l’occupation d’une tranchée située à moins de trente mètres de l’ennemi, appelée le « Boyau de la mort ». Ce boyau se trouvait près de Kaaskerke et, de par sa position, il fut considéré comme le secteur le plus dangereux du front de l’Yser.
Un Sous-Officier en charge d’occuper avec six autres soldats un petit poste pour empêcher toute infiltration ennemie assiste en spectateur à l’assaut des fantassins belges pour s’emparer des tanks à pétrole et raconte : « Le bombardement continue pendant plusieurs heures et nos troupes progressent lentement, avançant péniblement dans ce terrain inondé en grande partie, coupé de fossés profonds et parsemé de nombreux entonnoirs remplis d’eau. Enfin elles atteignent les réseaux de barbelés ennemis, prêtes à se lancer à l’assaut. A ce moment précis elles sont accueillies par un feu nourri de mitrailleuses et d’infanterie. Elles se terrent, mais ne progressent plus ».
Devant la puissance de feu de l’armée allemande, les belges finissent par battre en retraite et la tentative échoue. Le régiment a subi de sévères pertes au cours de cette attaque, mais fort heureusement le Sous-Lieutenant Dumortier rentre indemne dans ses lignes.

       Au cours d’une autre mission spéciale dans la plaine de Mannekensvere cette fois ci, c’est nuitamment, par une habile manœuvre, beaucoup de courage et d’audace, que le Sous-Lieutenant Albert Dumortier à la tête de son peloton parvient à investir un emplacement de batterie d’artillerie de campagne allemand. Au cours d’un violent corps à corps ou sont employés simultanément poignards de tranchée et pistolets, notre patrouille parvient à tuer l’ensemble des servants et mettre hors d’usage les pièces d’artillerie avant de rentrer dans les lignes belges avec l’effectif complet.
En récompense de cet acte de bravoure, le Sous-Lieutenant Albert Dumortier sera cité à l’ordre du jour de l’armée.
Un artiste peintre attaché au forces armées à réalisé une peinture allégorique de cet événement. Il a représenté le Sous-Lieutenant Dumortier  pistolet en main debout au milieu de ses hommes, environnés de flammes et d’explosions, au centre de la batterie allemande. Ce grand tableau de six mètres sur trois a, après la guerre, longtemps orné le mur situé derrière le siège du président du tribunal de Bruges. (Il y était encore au début des années 70)

       Les quatre années de guerre passent, et notre Albert malgré les dangers inimaginables encourus durant ses misions reste indemne sans souffrir d’aucune blessure. Aucune maladie ne l’affecte non plus, malgré une terrible épidémie de grippe espagnole qui fait beaucoup de mort dans l’armée belge.
Il a la chance également d’échapper aux épandages de gaz dans la région d’Ypres, son Régiment étant pour quelques jours au « repos » en deuxième ligne lors de cette attaque meurtrière.



Lieutenant Albert Dumortier : Photographie prise après sa sortie de l’hôpital de l’Océan et sa convalescence. (Photo Luc Rahier)

En début d’année 1918, Albert Dumortier est promu Lieutenant.

       L’offensive libératrice de 1918.
Avant tout rappelons que les belges n’ont pas participé à de grandes offensives après la stabilisation du front. Ainsi donc, au contraire des français qui connurent les combats de la Marne et de Verdun, nos compatriotes ont dû attendre le mois de septembre 1918 pour s’élancer à nouveau hors des tranchées.

       Nous sommes donc le 27 septembre 1918 et le Lieutenant Albert Dumortier se trouve avec son unité face au secteur de la forêt de Houthulst.
L’offensive est prévue pour le lendemain à cinq heures trente du matin. Les hommes savent qu’ils ne dormiront pas beaucoup. Dans les tranchées de premières lignes c’est un va et vient incessant de soldats qui se préparent à la grande offensive. Le Lieutenant Dumortier aperçoit sur ses arrières des batteries d’artillerie belges, françaises et anglaises. La bataille qui est proche sera grandiose, effroyable…
Belges, français, anglais, américains, sur l’entièreté de l’immense ligne de front qui va de l’Yser jusqu’aux Vosges, des milliers et des milliers d’hommes à l’heure H à la même minute vont surgir, bondir et envahir les tranchées ennemies et bouter dehors les « Boches ».
Le Lieutenant Dumortier consulte sa montre, il est presque cinq heure trente de cette date fatidique du 28 Septembre. Tenez-vous prêts dit-il à ses hommes : « … Encore deux minutes… Une minute… Attention… En avant ! En avant ! » Au même moment des fusées éclairantes, signal de l’attaque, surgissent dans le ciel.
Comme un seul homme tous se lèvent, escaladent le parapet de leur tranchée et se rue à l’assaut.
Au dessus d’eux passe la sarabande des obus qui écrasent littéralement les tranchées adverses.
Dès leur départ les hommes avancent sans trop de difficulté ni rencontrer de véritable résistance. Il est vrai que les allemands qui avaient subi pendant de longues heures un bombardement intensif, n’avaient plus les moyens de se défendre.
Pistolet automatique au poing, le Lieutenant Dumortier est à la tête de son peloton lorsqu’ils abordent les tranchées de première ligne allemandes.
Tous ce qui s’y trouve de vivant est immédiatement et violement passé par les armes. Pas de quartier !
L’arrière
de cette tranchée prise à l’ennemi pour continuer l’assaut en direction des tranchées de deuxième ligne.
C’est à cet instant que le Lieutenant Dumortier ressent une violente douleur au niveau des jambes et s’écroule sur l’arrière du parapet, au beau milieu des latrines allemandes.
Notre Lieutenant vient de se faire faucher par un tir de mitrailleuse adverse, sa hanche est complètement cassée, sa jambe gauche tordue au point que sa tête repose sur son pied.
Pas le temps pour ses hommes de relever le blessé, de le soigner, ni même de le mettre à l’abri, les ordres sont simples, il faut coûte que coûte continuer l’assaut.
Dans l’impossibilité absolue de bouger, Albert reste couché dans cette position recouvert des déjections des précédents occupants du lieu.
Il y reste tout au long de la journée et est encore atteint à plusieurs reprises à différents endroits du corps par des « shrapnels » provenant de tirs d’artillerie allemande.
La douleur est atroce, et bien qu’Albert n’ai pas perdu connaissance, il divague et n’est plus réellement conscient de ce qui lui est arrivé ni d’où il se trouve. A aucun moment il n’a lâché son pistolet automatique qu’il tient toujours serré dans sa main droite.
Ce n’est qu’à la tombée du jour que des équipes de brancardiers arpentent le champ de bataille à la recherche des nombreux blessés.
Au moment ou les brancardiers trouvent enfin Albert, celui-ci n’est plus réellement conscient de l’endroit ou il se trouve, ni que c’est une équipe de secours qui vient le ramasser. Il pense qu’il doit se défendre et menace l’équipe sanitaire avec son pistolet.
Heureusement, accompagnant les brancardiers se trouve là l’une des deux seules et célèbres infirmières anglaises opérant sur le front de l’Yser, Elise Knocker ou Mairi Chisholm.
Celle-ci s’adresse en anglais au Lieutenant Dumortier. Celui-ci se croyant alors revenu au doux temps de sa vie en Angleterre, elle parvient à le calmer et à lui prendre son pistolet des mains.
Albert peut alors être emporté sur une civière jusqu’au poste de secours avancé situé immédiatement dans les tranchées de première ligne d’où il était parti quelques heures plus tôt à l’assaut.
Son état est si grave que les médecins pensent qu’il va mourir dans les heures qui viennent. L’aumônier militaire présent lui administre alors les sacrements de l’extrême onction.
Mais Albert tient bon malgré tout, il est alors transporté par ambulance à 12 Km du front jusqu’à l’hôpital de l’Océan du Docteur Depage dans la cité balnéaire de La Panne.



Lieutenant Albert Dumortier : Hôpital de l’Océan en 1919 à gauche son frère Antoine et à droite son frère Léon. (Photo Luc Rahier)

Il va y subir plusieurs opérations chirurgicales, les médecins vont extraire de son corps meurtris quelques balles de mitrailleuses ainsi qu’une quantité d’éclats d’obus. Ils vont remettre sa jambe d’aplomb, mais sa hanche restera soudée à jamais.
Albert manque de mourir de ses opérations multiples, ses blessures sont trop nombreuses, il a perdu énormément de sang, son état est tellement grave et désespéré que pour la deuxième fois il se verra administrer l’extrême onction par l’aumônier de l’hôpital.
Cependant, Albert survit. Il commence tout doucement à se remettre grâce aux bons soins reçus dans cet hôpital. L’une de ses infirmières n’étant autre que sa Majesté la Reine Elisabeth elle-même. (Celle-ci lui remettra d’ailleurs un cadeau dédicacé, une pochette en cuir gaufré, qui est actuellement en ma possession).
Son voisin de lit dans sa chambre d’hôpital n’est autre que le célèbre aviateur Willy Coppens, blessé gravement au combat en survolant la même zone de combat ou Albert est tombé, et qui se verra plus tard anobli par sa Majesté Albert 1er sous le nom de Willy Coppens de Houthulst.

       Albert reste deux années à l’hôpital de l’Océan pour recevoir des soins et entamer une longue période de rééducation avant d’enfin pouvoir sortir et marcher seul en s’appuyant sur une canne.
Sa hanche et sa jambe gauche sont définitivement raides, et il lui manque également une bonne partie du talon du pied gauche, l’obligeant pour le reste de sa vie à porter des chaussures orthopédiques sur mesure.

       Après sa sortie de l’hôpital de l’Océan, Albert ne retournera jamais plus en Angleterre.
Il reste à l’armée dans une catégorie de personnel dite RPB. (Réformé pour blessure)
Il sert dans un premier temps à l’armée d’occupation à Krefeld en Allemagne où il occupe la fonction de directeur des cinémas militaires.
Lorsque les troupes belges reviennent en métropole, il rejoint le 4ème de Ligne en garnison à Bruges.
Il épouse ma Grand-Mère Adrienne, la fille de son Colonel Chef de Corps le 28 Juillet 1928, dont il aura deux filles.



28 juillet 1928 mariage Adrienne et Albert Dumortier. (Photo Luc Rahier) 

Il commande durant un certain temps le bureau de recrutement de Bruges, mais à l’époque de ce qu’on a appelé « le drôle de guerre » il est un des Officiers responsables de l’internement des belligérants (allemands français et britanniques), pour la grande majorité des aviateurs ayant effectués des atterrissages forcés sur le territoire national.

       Le jour de l’invasion, (il est alors au grade de Major) il reçoit l’ordre de se replier avec son personnel vers la France.
Par un concours de circonstances qui méritent un livre à elles seules, il se retrouve finalement commandant d’un camp CRAB dans le midi de la France (Région de Foix (Ariège).

       Les jeunes belges CRAB étant finalement rapatriés vers la mère patrie, et c’est sur ordre, il rentre en Belgique le 30 Août 1940.

       Etant donné le fait qu’Albert est considéré par les allemands comme grand invalide, il ne sera pas emmené en captivité en Allemagne, mais doit « pointer » régulièrement à la Kommandantur de Bruges. Ceci n’empêche nullement le Major Dumortier de participer activement à la résistance, au point d’être dans les derniers mois de la guerre obligé de s’enfouir par les toits des maisons en compagnie d’un Officier de Gendarmerie qui lui sert d’adjoint.



Libération de Bruges en 1944. Le Major Albert Dumortier en conversation avec un officier canadien.(Photo Luc Rahier)

Le jour de la libération de Bruges, il revêt son grand uniforme et va accueillir les troupes canadiennes sir la Grand-Place de la ville.

       Nommé Colonel, il termine sa carrière en qualité de Président du tribunal militaire de Flandres Occidentales et Orientales, chargé de juger entre autre les faits de collaborations.
Détail amusant de l’histoire, il siège exactement sous le fameux tableau le représentant lui-même pistolet en main debout au milieu de ses hommes, environnés de flammes et d’explosions. Tableau cité plus haut.

       Vous croyez que le Colonel Dumortier se contentera de vivre une retraite cachée dans sa villa de St Kruis-Brugge ? Que nenni, il est président des Croix du Feu, mais également d’autres associations d’anciens combattants de Flandres Occidentales et Orientales, il s’occupera aussi toujours et tout au long de leurs vies à soutenir et aider les anciens de son 4ème Régiment de Ligne.



Major Albert Dumortier en 1944. (Photo Luc Rahier)

       C’est en 1982 qu’il rendra son âme à Dieu.
Etonnante longévité vu la gravité de ses blessures, mais il disait lui-même :
« Il y en a qui disent qu’ils ont un pied dans la tombe... Moi j’ai les deux pieds dedans, mais je suis assis sur le bord ! ».

       En tout état de cause, J’ai eu la grande chance de le côtoyer pendant de longues années.
Je passais en effet toutes mes vacances d’enfant chez lui à Bruges.
J’ai toujours considéré mon Grand-Père comme un véritable héros, un exemple, et je l’admirais.
Il m’a très certainement transmis le maximum de ce qu’il pouvait me transmettre, et c’est plus que probablement cet enseignement patriotique qui m’a fait à mon tour embrasser le métier des armes.

Son petit fils, Luc Rahier

 

 

 

 



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