Médecins de la Grande Guerre

Le cimetière des frères d’armes à Saint-Gilles.

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Le cimetière des frères d’armes à Saint-Gilles

       Dans le cimetière de Saint-Gilles se trouve un endroit exceptionnel, sans doute unique en Belgique : le carré des frères d’armes de 14-18 qui échappèrent au carnage et qui moururent pour la plupart dans les années soixante et septante. Des hommes et quelques femmes (trois) qui préférèrent reposer pour l’éternité à côté de leurs compagnons d’infortune plutôt que dans un caveau familial. Une preuve que parfois les liens d’amitiés ou d’appartenance sont plus importants que les liens familiaux lorsqu’ils surviennent dans des conditions extrêmes comme celles endurées durant quatre ans dans les tranchées. Impossible d’y survivre sans établir des liens fraternels puissants avec ses compagnons. On mange, on dort, on se distrait, on se console ensemble et pire encore, on affronte la mort en « compagnie ». Pas étonnant donc que ces quatre années de guerre aient forgé chez les survivants des liens qu’ils voulaient pérenniser au-delà de la mort.




       Le carré des frères d’armes fut fondé par Joseph-Jean Michel (1890-1974). Une vie bien remplie pour cet homme qui connut l’usine à 10 ans et la guerre à 24 où il fut grièvement blessé. Après l’Armistice, il devint un homme d’affaires avisé dans le secteur automobile mais qui n’oublia jamais ses frères d’armes. Il deviendra d’ailleurs Président du Front Unique des Anciens Combattants et c’est à ce titre qu’on peut le considérer comme le fondateur de la pelouse d’honneur des anciens combattants de 14-18. Comme les autorités communales ne voulaient pas de cette concession originale, un beau jour, accompagné de ses amis anciens combattants, il envahit la salle du conseil communal et n’en sortit que lorsque le projet fut voté. L’école J.J. Michel de la rue de Bordeaux lui est dédiée et sa dépouille repose au pied du mât d’honneur de la pelouse 14-18.



       La pelouse des frères d’armes a été magnifiquement rénovée en 2016. Située sur le sommet de la colline qui surplombe le cimetière, elle offre une vue peu connue mais imprenable et sur la ville de Bruxelles. En son centre se trouve la tombe du général Tombeur, le vainqueur de Tabora.



       Les liens intenses de fraternité qui unissaient les combattants sont très bien exprimés par l’architecture de la concession. La majorité des stèles comportent en effet les noms de quatre anciens combattants, deux au recto, deux au verso et dans chaque tombe reposent deux anciens combattants. Les anciens combattants reposent très proches l’un de l’autre, aussi proches que lorsqu’ils défilaient, durant la Grande Guerre, en peloton devant leur drapeau.
Les sépultures sont couvertes de bouquets de graminées et forment toutes ensemble un espace redevenu naturel qui nous fait immanquablement penser à la savane africaine parcourue par les Belges et Congolais pour conquérir le territoire de l’Afrique de l’est allemande.



Les graminées donnent l’impression d’une savane africaine

       Sur les stèles, les photos des anciens combattants sont souvent présentes dans des médaillons. Certains sont représentés jeunes alors qu’ils combattaient sur l’Yser, d’autres sont représentés en civil dans des tenues diverses qui rappellent leur condition sociale ou leur métier. Quelques-uns, militaires de carrière, sont représentés à l’âge mûr en uniforme. On regrette évidemment les médaillons disparus avec le temps et on se met à espérer qu’un jour, un historien se replonge dans les dossiers militaires de tous ces hommes pour en extraire les faits saillants et les rassembler dans un livre.



Le médaillon du colonel Colpin




       Curieux dans ce cimetière d’anciens combattants est la présence de trois femmes. Je n’ai pas su reconstituer à ce jour leurs histoires. Furent-elles infirmières ou résistantes ? Sans doute un lecteur pourrait-il nous aider ?
Il s’agit de :



Clémence Descamps 1869-1951


Valentine Joostens 1868-1933


Elsa Mestagh, veuve Noël 1901-1971


Les autres monuments et sépultures honorant les héros de 14-18 au cimetière de Saint-Gilles

       A côté de cette magnifique pelouse des frères d’armes de 14-18, notons que le cimetière comprend aussi des galeries souterraines reliées entre-elles par une galerie à ciel ouvert dans laquelle reposent des soldats de 14-18, cette fois morts au combat où qui succombèrent de leurs blessures.

       Trois tombes classiques, sous la forme de concessions familiales attirent aussi l’attention dans les allées du cimetière. Il s’agit de la tombe de capitaine Demey (1892-1921), invalide de guerre qui ne survécut que trois ans à l’Armistice. Le sculpteur Norga a magnifiquement représenté le jeune homme en uniforme et portant ses décorations de combattants de 14-18.

       Quant à la tombe du sous-lieutenant Empain Marius (1896-1918) qui succomba à Nieuport pendant les bombardements ennemis, ses parents firent ériger sur sa sépulture une statue en son honneur qui représente une femme de l’antiquité présentant une couronne au héros.

       Enfin la tombe du caporal Muls mort à 26 ans nous émeut particulièrement par l’épitaphe écrit par sa jeune veuve.




       Un monument aux morts de la guerre 14-18 attire les regards par sa taille et sa beauté. Il comporte trois groupes de personnages. Au centre, la « Patrie » soutient un soldat mourant. A droite, un adolescent entraîné vers l’avenir par un vieillard qui représente la « sagesse ». Enfin le groupe de gauche se compose de deux femmes, la « reconnaissance » et la « douleur ».




La pelouse des anciens combattants de la
deuxième Guerre Mondiale

       Les combattants de la Deuxième Guerre Mondiale possèdent aussi leur pelouse d’honneur. Nombre de résistants et résistantes y sont enterrés comme celle de Sophie Poznanska. Plus dispersées, dans les allées, des sépultures rappellent le courage des résistants comme celle de Arnaud Fraiteur exécuté à Breendonck le 10 mai 43.





Dr Loodts P.

 

Cher monsieur,

       Nous nous sommes entendus il y a quelques semaines au sujet de la pelouse d'honneur au cimetière de Saint-Gilles. Pour les trois tombes de femmes, les archives de la commune ont retrouvé le dossier de l'une d'elles : Clémence Descamps, veuve Maes, née à Hornu le 10 janvier 1869 et décédée à Saint-Gilles le 27 juin 1954. C'est sa fille, Lucie Maes, qui fait la demande d'inhumation dans la pelouse d'honneur. Outre les combattants, celle-ci admet « les civils belges : hommes et femmes porteurs des Médailles commémoratives de la guerre 14-18 et de la Victoire, ou ceux dont assimilation aux miliaires est attestée par le Ministère de la Défense Nationale ». Dans le dossier, une note manuscrite indique les qualités de la défunte pour être inhumée dans la pelouse : Membre de l'Union des Services de Renseignement et d'Action ; reconnaissance nationales pour participation au service de renseignement ; médaille de la Victoire ; médaille commémorative de la guerre 14-18 avec couronne d'argent ; British War Medal.

       Bien cordialement, Pierre Dejemeppe



Références :

« Le silence et les tombes, une histoire du cimetière de Saint-Gilles », édité par la commune de Saint-Gilles. 

 

 

 

 



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