Médecins de la Grande Guerre
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Le Chemin des
Dames, calvaire de tant de mères et d’épouses ! Introduction En cette
fête des mères, pensons au calvaire des mères et épouses des soldats qui
combattirent et ne revinrent pas au foyer. Ayant été récemment parcouru en
France « le Chemin des Dames »[1] et en
particulier le plateau de Californie[2] qui fut
l’atroce théâtre de combats meurtriers à partir du 16 avril 1917, c’est à
partir de celui-ci que je mènerai ma réflexion. Le
plateau de Californie aujourd’hui avec sa promenade Le
calvaire de Rosine, maman corse qui perdit ses cinq fils Michellangeli François Mari[3]. Il
appartient au 2ème régiment de Génie
est né le 20 juillet 1892 à Lecci
en Corse et est tué à l’ennemi le 2 septembre 1918 à Terny-Sorny. Ce soldat
avait quatre frères. Deux d’entre eux, Jean Dominique et Jacques perdirent la
vie le même jour, le 16 août 1918 sur le bateau « Balkan »[4],
torpillé par un sous-marin ennemi juste avant d’accoster à Calvi . Il y
eut plus de 400 morts. Il est vraisemblable que ces deux gars revenaient en
permission après de longs mois au front. On
imagine facilement que Rosine, la maman les attendaient au
port ! Rosine avait à ce moment
déjà perdu deux fils, Antoine mort le 12 février 1915 de maladie à Verdun, et
Joseph mort aussi de maladie en service
le 4 aout 1918, cette fois à Marseille. Rosine perdit son cinquième fils,
François tué à l’ennemi sur le Chemin des Dames. Personne ne pourra décrire
l’incommensurable chagrin de Rosine et de son mari Jean dans
l’après-guerre ! Le
calvaire de Marie Elise qui perdit son fils unique Marie
Elise perdit son fils unique, Gaston Gabourel,
tué à l’ennemi le 8 juillet 1917 à l’âge de 25 ans à Pargny Filain
sur le Chemin des Dames. Comme on ne retrouva pas son corps, elle garda en elle
m’immense espoir de le retrouver un jour. Jusqu’à son dernier jour, (elle est
décédée en 1927), quand il lui arrivait
de devoir quitter sa ferme pour une course, elle interdisait à quiconque de
fermer la porte de sa ferme car, disait-elle, Gaston pouvait rentrer à tout
moment ! Cette anecdote vaut tous
les discours sur les chagrins d’une mère endeuillée ! Gaston Gabourel 3) Une
croix dans un ancien champ de bataille pour se souvenir de deux fils. Le plateau de Californie qui bordait
Craonne fut l’objet d’âpres combats le 16 avril 1917 quand l’assaut des lignes
allemandes fut déclenché par la général Nivelle sur le Chemin des Dames. Ce fut
un terrible échec pour les Français. Les combats sur trois semaines
entraînèrent la mort d’à peu près trente mille soldats français et tirailleurs
africains ! Ce ne fut que le 4 mai
1917 que Craonne put être arrachée aux Allemands et qu’ensuite le plateau de
Californie put être conquis le 5 mai. Un plateau difficile à gravir, truffé de
tranchées allemandes, de tunnels dans la craie et de casemates pour
mitrailleuse. Cette mince victoire fut donc le fruit de trois semaines de
combats ! L’offensive se révéla
finalement un échec cuisant qui aboutit au remplacement de Nivelle par Pétain. La lutte sur ce front continua
encore longtemps, cette fois sous la direction de Pétain qui dut alors faire
face à des rebellions. Il fallut attendre le mois de novembre pour que l’ennemi
abandonne définitivement le Chemin des Dames pour se replier un peu plus au
nord dans la vallée de l’Ailette. Mais revenons à ce plateau de Californie si
chèrement acquis. Aujourd’hui, le promeneur peut en faire le tour dans un
environnement complètement boisé. On longe le côté sud surplombant la vallée de
l’Aisne jusqu’au belvédère avant de rejoindre la lisière nord du plateau qui,
elle, surplombe la vallée de l’Ailette. C’est sur cette lisière que le
promeneur découvrira une croix en fonte, noyée dans la végétation, et évoquant
la mort du lieutenant André Lafont, âgé de 23 ans et du sergent Fourier Remy
Leveau, âgé de 21 ans, tous deux du 34ème R.I, 3ème
compagnie. En hommage au lieutenant André Lafont Ces deux soldats avaient sans doute mené
leur compagnie jusqu’à l’extrémité nord du plateau au prix de mille difficultés
en ayant franchi des dizaines de tranchées ennemies. On peut imaginer qu’ils
moururent, le lendemain de cette avancée lors d’une contre-attaque de la Garde
prussienne.[5] Chemin des Dames – le Plateau de Californie Qui fut à l’origine de ce
monument ? On peut imaginer qu’après la guerre, les survivants de la
compagnie se soient cotisés pour faire élever un calvaire à l’endroit où les
leurs deux chefs moururent comme on peut aussi penser que, ces deux soldats devenus
amis, ce furent leurs familles qui décidèrent d’ériger celui-ci. C’est cette
dernière possibilité que je privilégie. Dans une rêverie, auprès de cette croix, il me fut facile
de visualiser l’ancien cortège des parents qui venaient de traverser le plateau pour la
première fois. Un plateau, encore désertique, lunaire, boueux, criblé de
cratères et de tranchées. Un survivant du combat, camarade des deux héros les
menaient à l’endroit exact où ces hommes perdirent la vie. Les épaules des
hommes étaient chargées de lourdes charges : la lourde croix de fonte, le
ciment, la dalle gravée et les pierres nécessaires à la construction du
mémorial. Les femmes, avaient quant à elles, emporté des sacs de victuailles et
mais aussi des bouquets de fleurs ! Au terme de leur voyage, après une après-midi de travail, le cortège
reprit le chemin du retour à l’exception d’un ou deux pèlerins qui resta camper
sur place pour, le lendemain finir le travail ! Le calvaire construit, les deux familles prirent l’habitude de se retrouver
chaque année au mois de mai pour fleurir la croix. Ce rassemblement s’échelonna
sur de nombreuses années mais un jour on l’espaça puis, les proches
vieillissants, il ne fut plus possible de l’entreprendre ! Ainsi va la vie des hommes, fragile et fugace !
Il est sans doute bon que les chagrins
d’antan puissent être oubliés mais comme il est regrettable qu’ils n’aient pas
gravés au plus profond fond des cœurs des générations suivantes la conviction
inébranlable et définitive de l’abomination de la guerre ! Alors, chers touristes qui voyez aujourd’hui
cette croix, imaginez, comme moi à son chevet, les mères éplorées vêtues de
noir et priant de tout cœur Dieu de choyer à leur place leur fils perdu, imaginez
à leurs côtés les pères grattant la croix des ravages de l’hiver passé comme
pour remplacer l’accolade qu’ils rêvent, encore souvent, de donner à leurs
gamins ! Le plateau de Californie est aujourd’hui une forêt qui porte encore les cicatrices centenaires des innombrables tranchées qui la parcouraient…. A l’extrémité sud-est du plateau, au sommet du belvédère, la vue plongeante sur la vallée de l’Aisne nous fait comprendre la position stratégique du plateau de Californie. Chemin des Dames – Observatoire du Plateau de Craonne 4) Le tunnel du Winterberg est la sépulture
retrouvée en 2022 de 140 soldats allemands Les Allemands appelaient le plateau de Californie « le Winterberg »
sans doute parce qu’il y faisait la plupart du temps froid et
humide. Le 4 mai 1917, la veille d’un nouvel assaut du plateau par les Français,
un bombardement provoqua un éboulement d’un grand tunnel qui aboutissait dans
la ville de Craonne. 140 soldats du 11ème régiment d’infanterie de
réserve périrent dans cet effondrement. Bien entendu, dans l’après-guerre, des
familles allemandes chercheront à connaître les circonstances du décès de leur
enfant ou mari. La Croix Rouge Internationale et le Zentralnachweiseamt de
Berlin mèneront des recherches pour retrouver trace des disparus de la
catastrophe du Winterbergtunnel mais ce fut en vain ! En 1927, un monument
est érigé dans un parc de la ville de Stockach à la mémoire des soldats morts
du RIR 111 durant la Grande Guerre. En 1934, un autre mémorial est réalisé à St
Oswald pour ce régiment. En 2020, des férus de l’histoire de la
Grande Guerre découvrent ce qui pourrait être l’entrée d’un tunnel allemand
débouchant à Craonne et qui s’effondra sur une centaine de soldats allemands
suite au bombardement du 4 mai 1917. Ces fouilles étaient illégales mais,
alertés par cette découverte des archéologues, cette fois mandatés officiellement,
examinèrent la découverte qui se révéla être une galerie parallèle contenant un
dépôt de matériel. Mais à côté de celle-ci, ils découvrirent la véritable
entrée du tunnel. Cette découverte enclencha une grande émotion en Allemagne où
l’on connaissait très bien la tragédie encourue par la compagnie ensevelie. Le
département des archives du Land de Bade-Wuetemberg à Karlsruhe put rapidement créer une exposition avec les
documents et souvenirs recueillis. « La mort dans le tunnel de
Winterberg », telle était son titre, après avoir circulé en Allemagne fut
présenté le 10 février 2023 à la Caverne du Dragon à Craonne. Lors du
vernissage fut alors annoncée la décision de ne pas continuer les fouilles mais
d’édifier à proximité de l’entrée du tunnel un lieu de mémoire. L’emplacement
du tunnel deviendra ainsi le 250ème lieu de sépultures militaires
allemandes en France. Les soldats ensevelis appartenaient à ceux représentés par cette photo au 111ème régiment de réserve. 5) Le
Chemin des Dames fut le chagrin de nombre de Dames françaises, allemandes,
sénégalaises[6] Le Chemin des Dames est synonyme
d’hécatombe, d’un « Charleroi sanitaire » comme on le disait en 1917
en faisant référence à la bataille des frontières en août 1914 qui avait fait le même nombre de victimes
mais en seulement trois jours !). Plus de 37.000 tués en deux
semaines ! Rien que pour la période
du 16 avril au 30 avril 1917, on dénombre en effet 17.078 tués, 20.335 disparus
et 66.098 blessés (Cfr Denis Rolland, « La question des pertes sur le
Chemin des Dames », 2010 in Mémoires de la fédération des Sociétés
d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, tome LV, pp 441-460). Les spécialistes
conviennent que si l’organisation des soins aux blessés avait été meilleure,
beaucoup de vies auraient été épargnées. En réalité, la chaîne d’évacuation
s’est révélée tout à fait déficiente au niveau des HOE (hôpital d’opération et
d’évacuation) de trois mille lits dont la fonction était d’opérer les blessés
afin de les rendre transportables par train pour les hôpitaux de l’arrière. Dès
le début de l’offensive, ces hôpitaux (un par corps d’armée) ont été
complètement submergés et incapables de faire face. Plusieurs raisons
expliquent cet échec. Le nombre insuffisant d’HOE, le fait que certains
n’étaient pas terminés comme celui de Prouilly qui comptait 16 baraques au lieu
de 24, le nombre de blessés légers qui n’auraient pas dû s’y retrouver, le
déficit en équipes chirurgicales, et une gestion des évacuations par train
chaotique (un train sanitaire entre Prouilly et Fismes mettra dix heures et
demi pour parcourir 10 km) laissée aux mains des régulateurs des gares ne
tenant aucun compte des priorités sanitaires. Enfin, la répartition du
territoire en deux zones : la zone
des armées et la zone d’intérieur fut un facteur très néfaste pour les
blessés. Les blessés légers sont en
effet évacués dans la zone des armées afin de pouvoir reprendre le combat plus
rapidement tandis que les blessés graves sont en principe évacués dans les
hôpitaux lointains de la zone de l’intérieur. Cette situation eut comme
conséquence que l’on imposa aux blessés graves (qui souvent n’ont pas été
opérés comme prévu dans les HOE) de très longs voyages sans soins qui
augmentèrent le risque de gangrènes et donc le décès. Le Service de Santé eut
le sentiment d’avoir été très peu écouté par le commandement qui gardait le
monopole des ordres concernant l’organisation des soins. La catastrophe
sanitaire donna lieu très rapidement à des débats en haut lieu à Paris qui
aboutiront à un décret le 11 mai 17. Par celui-ci, le Service de Santé se voit
attribuer enfin une voix au chapitre dans les décisions stratégiques et
l’autonomie dans l’exécution des ordres auxquels il aura participé. Cela en est
fini de la subordination totale du service de Santé aux états-majors des
différents échelons : le médecin devient enfin le conseiller technique
obligatoire du commandement. C’est donc depuis la bataille du Chemin des Dames,
que l’on considérera le service de Santé comme une composante des Forces Armées
au même titre que l’Infanterie, la Marine, l’Aviation… Conclusion Trente mille jeunes soldats Français
tués en deux semaines lors de l’offensive du Chemin des Dames et peut-être
autant du côté allemand... Trente mille foyers français endeuillés en quelques
jours, sans aucun doute l’équivalent de la population d’une ville de 150.000
habitants si l’on considère qu’une famille compte cinq personnes ! Comment
l’humanité a-t-il pu marquer un si grand mépris à ses propres enfants, accorder
si peu de valeur à la vie humaine ! La même histoire continue… En 2023,
l’autorité du pays le plus grand au monde envoie encore toute une jeunesse se
faire tuer pour satisfaire sa mégalomanie. Quand donc cessera-t-on de
construire de nouveaux monuments aux morts ? Puissent les immenses
chantiers de guerre être remplacés avec autant d’énergie par les chantiers de
paix qui feront conserver à notre planète sa couleur bleue ! Dr Patrick Loodts [1] Le
Chemin des Dames se situe entre Laon et Reims. Il doit son nom à la châtelaine,
la comtesse,de Narbonne-Lara, qui avait été gouvernante des deux filles de
Louis XV et qui fit empierrer ce chemin afin que ces deux princesses puissent
parvenir aisément dans son château de Bove ce qu’elles firent au moins une fois
en 1784. [2] Le
plateau de Californie surplombe la ville de Craonne qui fut complètement
détruite par les combats et reconstruite après guerre plus au sud. Sur les
ruines du vieux Craonne, un arboretum a été créé. Le plateau de Californie fut autrefois le
jardin luxuriant d’un riche propriétaire Henry Vasnier avant 1914. Il y possédait
aussi un service d'hôtellerie et un zoo à côté de vignes, et de terres agricoles. Le terme Californie
fait référence à la prospérité, à l’abondance ! [3]
Michelangeli François Marie [4]Le Balkan est un navire affrété pendant la grande guerre par la
compagnie Fraissinet, pour effectuer le transport de passagers sur la liaison
Marseille-Calvi en remplacement de navires plus modernes réquisitionnés à la
déclaration de guerre d'août 1914. Il fut torpillé par le UB 481 au large de la
Corse, le 16 août 1918. Il y eut plus de 400 morts. Le navire originellement
construit à Dumbarton en Écosse en 1882 par le constructeur Archibald McMillan
& Son2, faisait 79,24 m de longueur et 11,31 m de largeur. [5]Aux-cris de « La
fourragère ! « les Basques et les Béarnais des 18ème et 34ème
R. I., le lendemain de la prise de Craonne, à 9 heures, escaladaient la terrasse et gagnaient la région des abris, au
revers du plateau où les Allemands leur opposaient une résistance opiniâtre.
Les effectifs fondaient sous les obus dont des avions réglaient le tir et qui
déboulèrent jusqu’à la fin du jour. Des renforts montèrent. Le 6 à 5 heures, le
bombardement recommençait. Deux fois la Garde prussienne sortant de la forêt de
Vauclerc verdoyante et touffue – et où, la nuit, vocalisaient encore les rossignols
– essaye de déborder par le nord-est l'éperon de Californie que nous tenons
entièrement. Mitraillés par une nuée d’avions, eu plein d'un ouragan de feu,
les survivants s'accrochent. De moins en moins nombreux : un sergent commande
les 48 soldats qui restent de la 2' compagnie du 34' lequel comme le 18ème
R.I. a perdu plusieurs centaines d'hommes. La Garde, une troisième fois,
assaille le plateau par le nord-ouest. Les pelotons balancent leurs grenades à
50 mètres. Ils conservent les tranchées conquises ou récupèrent aussitôt les
éléments que les morts ne défendaient plus. Un moment ils reçoivent les coups
trop courts de l'artillerie française. Un flottement à gauche se produit à la
fin de la matinée mais la droite tient ferme et, le soir, la ligne rétablie se
consolidera. (R.G.Nobecourt, « Les fantassins du chemin des Dames »,
page 199, éditions Bertout, 1983) [6]Les tirailleurs sénégalais provenaient en fait de plusieurs pays
africains appelés aujourd’hui Mali, Sénégal, Guinée, Burkina Faso, Bénin ou
Niger. Ces hommes souffrirent beaucoup des conditions météo exécrables qui
régnèrent lors du début de la bataille. Le 16 avril, il y avait eu de la neige
fondue depuis plusieurs jours, et la température variait entre _1 et zéro
degré. Les tirailleurs qui venaient d’arriver du sud de la France subirent sur
le Chemin des dames de nombreuses pathologies dues au froid, notamment pieds
gelés et congestion pulmonaires. Beaucoup d’entre eux reçurent des citations
comme le sergent Baba Diarra cité à l’ordre du jour du 1e corps de
l’armée Coloniale pour être resté à son poste malgré des gelures aux pieds. |