TOUT SIMPLE...

C’est un carnet d’une soixantaine de pages de papier blanc à la couverture légèrement cartonnée, tout simple. Ce sont quatre ans et demi d’une vie entre le 30 juillet 1914 et le 19 janvier 1919. La vie du soldat Edmond Dekeyser, un jeune bruxellois jeté dans la tourmente comme des millions d’autres. Ce ne sera pas un héros dont on écrit l’épopée, c’est un garçon comme un autre, tout simple. Il aura accompli son devoir de citoyen, tout simplement, et a eu la chance d’en revenir vivant. Sa « chance » a peut-être été de tomber très malade pendant la campagne de Belgique de l’été 1914. Il ne reviendra au front qu’un an plus tard, en 1915. A peine un mois et le voilà blessé par accident et à nouveau hospitalisé. Pendant ce nouveau séjour loin des combats, il a l’occasion de mettre à profit une solide éducation musicale et lorsqu’il retourne au front en juin 1916, il est affecté à la musique de son régiment d’infanterie, le 11^ème de ligne. Les musiciens sont aussi les brancardiers lorsqu’il s’agit de combats : le reste de la guerre, il va surtout être le témoin de la souffrance des autres. De retour à la vie civile, il retrouve son emploi dans les bureaux des Usines Boël (voir leur beau geste à la note 15) où il était entré à 14 ans et reprend des études. Pour rattraper le temps perdu, il suit la formation de la chambre belge des comptables (3 ans) en une seule année et termine avec une grande distinction. Un prix « Edmond Dekeyser » est encore attribué à qui en fait autant. Il fera toute sa carrière professionnelle chez les Boël dont il devient, bien plus que le comptable principal, l’homme de confiance et presqu’un intime. Il décède en 1956. Les notes qui suivent sont très inégales, parfois tout un récit, parfois quelques mots jetés à la hâte sur la page avant de prendre un peu de repos dans un poste avancé. Ce n’est pas un journal, il y a par exemple deux interruptions de plusieurs mois, reflétant des périodes de répit qu’il a sans doute bénies. L’historien y trouvera des noms ou des dates qui peuvent l’intéresser. Les autres lecteurs y trouveront juste un témoignage parmi d’autres sur ces années-là, tout simple....

Edmond Dekeyser 11^e de ligne Musique

27, rue du Printemps, Ixelles, Bruxelles

       {Le carnet débute par 15 lignes raturées, illisibles}

       Le 30 juillet 1914, l’aube d’un beau jour d’été me voyait debout beaucoup plus tôt qu’à l’habitude. La veille, mon billet de rappel[1] avait été remis à ma chère mère qui ne se doutait pas ou du moins ne voulait point encore croire à la terrible réalité. Dieu sait si elle se réalisa, hélas ! Ma mère seule me vit partir ; mon père, trop affecté et redoutant trop de me décourager par la vue de son désespoir resta au lit où je n’osai le déranger. Et, je partis....

       Avant midi, j’étais rentré à la caserne d’Herkenrode[2] et bientôt après rééquipé. Ici, n’ayant pas sous la main les notes que j’écrivis alors, le souvenir de tout ce qui se passa jusqu’au début de 1915 ne sera probablement pas exact mais je compte bien rectifier le présent récit aussitôt que les circonstances me le permettront.

       Je crois bien me rappeler qu’après avoir passé une nuit dans une salle d’école à Hasselt, nous fûmes embarqués pour Herstal où nous débarquâmes quelques heures après. Notre premier cantonnement fût la salle des fêtes d’un cercle catholique. Je me souviens aussi d’un bivouac aux environs de Vottem et des travaux de retranchement et d’abattage d’arbres que nous exécutâmes près des forts Loncin et Lantin.

        Entretemps, les événements se déroulaient, rapides et effrayants. L’ultimatum de l’Autriche à la Serbie, la réponse de celle-ci, la déclaration de guerre de la première, l’entrée en lice de la Russie, de l’Allemagne, de la France, la proposition allemande à la Belgique, la réponse du Roi et enfin, le pire de tout pour les innocents belges, l’invasion.

       Bientôt, c’était le 4 août, je crois, nous perçûmes au loin les premiers coups de canon. En ce moment, et pendant les quelques jours que nous passâmes encore à Liège, les bruits les plus divers et les plus paradoxaux circulaient. L’effervescence était extrême : le peuple liégeois enthousiaste à l’excès et français de cœur voyait avec rage approcher l’avalanche allemande et comblait de cadeaux et d’encouragements les troupiers belges qui passaient dans ses rues pavoisées.

       C’était là le beau côté de la médaille ; mais le revers ne tarda guère à nous être révélé.

       Nous montions avec un courage anxieux un chemin poudreux qui semblait vouloir nous conduire au ciel ou… à l’enfer. Tout à coup, on fit « halte » ; les armes furent chargées et, pour la première fois, la perspective tragique de devoir tuer d’autres hommes, nos frères en J.-C., faits comme nous, vivant comme nous auprès de leurs parents ou de leurs femmes et enfants fit battre notre cœur d’un douloureux émoi. Mais les diplomates les considéraient comme ennemis et comme tels, bon gré ou mal gré, nous devions les combattre. Quelques instants plus tard, nous étions en haut de la colline, et pas longtemps après, éparpillés en tirailleur dans une prairie ; nous y étions depuis peu lorsqu’un soldat de ma classe, Vanderbiesem, fut blessé. Toute l’après-midi, nous courûmes à travers champs et prairies, nous frayant un chemin à travers les haies, grimpant les côtes, sautant les fossés. La nuit suivante, alors que nous étions couchés depuis quelques heures seulement et tout habillés dans une immense grange, une alerte fausse ou réelle nous mit sur pied et nous jeta dehors. Avec mon ami Gérard, je fus bientôt dans la prairie où les balles commençaient à siffler avec obstination, nous entourant bientôt d’un feu continu et surtout confus, d’autant plus lugubre que la nuit était plus sombre. Je restai là jusqu’au matin ; je retrouvai alors la Cie et après avoir fait un assaut à la baïonnette qui n’arriva même pas au bout (?), nous partîmes pour l’autre côté de la Meuse. Nous traversâmes Herstal dans les rues duquel nous vîmes quantité de cadavres ; plus haut, près du cimetière de Milmort, encore des cadavres dont plusieurs de 1/II du 11^e. Quelques heures après, de nouveau en tirailleurs devant Vottem où nous entrâmes bientôt, après avoir laissé quelques camarades sur le champ de combat. Nous dormîmes si peu pendant ces tout premiers jours de la guerre que j’ai dû certainement, dans mon récit, confondre deux jours en un seul. Toujours est-il que je passai ma dernière nuit à Ans, d’où je partis le 7 au matin, je crois. J’eus le bonheur de trouver place dans un train en partance qui m’amena à Hannut où je retrouvai la Cie. Nous nous rendîmes alors à Hoegaarden, d’où je pus enfin écrire quelques lignes chez moi. Le 10 août, alors que nous étions en ligne derrière la Ghète[3], après avoir passé une nuit en avant de cette rivière, je reçois la visite de mon frère Henri qui m’apportait, avec des victuailles, de bonnes nouvelles de mes chers parents ainsi que de mon amie. Avant de le laisser partir, je l’assurai de ma volonté de me garder, autant que possible, sain et sauf.

       Quelques jours me séparent d’une date mémorable. Après avoir passé une nuit à L’Ecluse, un tout petit village, nous atteignîmes bientôt les faubourgs de Louvain, où nous avons bivouaqué ; le 14 août, notre bataillon arrivait à Korbeek-Lo, au château du baron…, qui était à ce moment résidence royale[4]. Le lendemain matin, après que nous eûmes bivouaqué une nouvelle nuit, nous fûmes passés en revue par le Roi. Celle-ci était à peine terminée qu’un cycliste vint me dire qu’on m’attendait à la route. Oh bonheur, c’était ma chère mère et Hortense accompagnée de son frère Louis. Grâce à la prévoyance maternelle, je pus changer de linge, ce qui me sembla extrêmement bon, étant donné que celui que je portais avait reçu la transpiration pendant plusieurs jours de marche sous un soleil de feu. Mais, hélas, mon commandant, le Capitaine Cuvelier, ne m’avait accordé qu’une heure de liberté et à midi, après m’être promené et entretenu avec ces êtres si chers, je me vis forcé de leur donner le baiser d’adieu, ou plutôt je leur dis « au revoir » car j’étais loin de me douter alors que ce revoir n’aurait lieu que plusieurs années plus tard et après avoir couru mille et mille dangers de toutes sortes. J’étais rentré de quelques heures dans les rangs lorsque de violentes douleurs dans les jambes m’obligèrent à me coucher : le médecin fût appelé immédiatement et vers 4 heures une auto vint me quérir et me conduisit dans un couvent transformé en ambulance. Je n’étais pas destiné à y faire de vieux os, pas plus d’ailleurs que tous les autres malades ; on craignait l’arrivée des Allemands, et 3 jours après mon entrée, nous fûmes évacués sur Gand. Là non plus l’hospitalisation ne fût guère longue ; Bruxelles était tombée aux mains allemandes et on pensait que le même sort allait être réservé à la capitale flamande. Le 21, le Casino où j’avais été hébergé et où j’avais eu l’honneur de reconnaître sous l’habit d’infirmière l’une des sœurs de Madame Pol Boël[5], fit l’évacuation de ses hospitalisés sur Anvers. Je fis le voyage avec Joseph Houben et François Vandenbosch ; en traversant l’Escaut, nous jetâmes dans ce fleuve une bouteille dans laquelle se trouvait un papier où nous avions écrit quelques phrases enfantines et dont je ne me rappelle plus la teneur. Nous passâmes la visite à l’hôpital militaire d’où je fus dirigé vers le dépôt de Lierre. J’eus encore le plaisir avant de quitter la métropole de visiter le jardin zoologique. A Lierre, je rencontrai Luc Lanove qui y fût réformé ; je passai la visite médicale et fus déclaré inapte au service armé. J’entrai au service du magasin divisionnaire qui était sous la direction du commandant Schaillée du 9^e de ligne. Chaque semaine je passai la visite du médecin qui, chaque fois, confirma sa première décision.

       La nouvelle de mon passage à l’hôpital avait été connue chez moi et mes parents anxieux de mon état de santé envoyèrent mon frère à ma recherche. C’était le 21 septembre, je crois, qu’il m’atteignît. Il était accompagné du père de Georges Mayné qui nous quitta aussitôt pour pousser jusqu’à Koninkshooik où cantonnait Georges, pendant qu’Henri restait auprès de moi. Nous fîmes quelques promenades dans la ville, c’est au cours de l’une de ces promenades que je rencontrai Albert Huysekom qui, heureux de savoir que mon frère allait retourner à Bruxelles, le pria de remettre 170 Frs à sa femme. Le lendemain, le père Mayné revenait et le soir même mon frère me quittait en me laissant 30 Frs et l’adresse d’Hortense Verhaeren, chez les beaux-parents de qui il avait passé une nuit à Anvers.

       Un jour, faisant partie d’une corvée pour le transport de couvertures au fort de Lierre, j’eus l’occasion de visiter celui-ci. Imbu alors d’un trop confiant optimisme, j’en revins avec l’intime persuasion que jamais la forteresse ne tomberait. Comme je dus en déchanter bientôt ! Une semaine ne s’était pas encore écoulée depuis la visite d’Henri, que le bombardement des forts commençait déjà pour ne finir qu’à la chute de la forteresse. Les marmites tombaient depuis 2 jours lorsque nous quittâmes le dépôt, passant notre première nuit à Bouchout, sur une des autos qui faisaient le service du magasin. Celles-ci ayant reçu l’ordre de se rendre à Anvers, nous arrivâmes bientôt dans la ville. J’allai chez les beaux parents d’Hortense qui avaient appris le bon retour d’Henri à Bruxelles. Au parc automobile où je me rendis ensuite, j’eus le bonheur de trouver un chauffeur qui consentit à me prendre dans son auto, ainsi que Blondel et un autre soldat du 11^e. Nous partîmes donc avec une colonne d’autos qui se rendaient à Ostende. Nous n’avions pas de phares et par les routes non-éclairées, nous filâmes toute la nuit par St Nicolas et Lokeren lorsque, arrivés dans cette dernière ville une panne nous mit en retard et nous fit faire un crochet de plusieurs kilomètres vers Overmeire et les lignes allemandes ; heureusement, nous arrivâmes bientôt à Gand d’où nous nous lancions vers Eeclo, Bruges et Ostende.

       Aussitôt arrivés, nous nous rendîmes à la caserne du 3è de Ligne, où se trouvait le dépôt ; je dus faire le service de convoyeur et j’eus le plaisir de décharger deux wagons de bottines et d’effets que j’avais refusé de décharger à Lierre, prévoyant que le dépôt allait être transféré. Quoique la saison fût déjà avancée, je profitai de toutes les occasions pour aller me promener à la digue et humer l’air marin, jusqu’à ce que de nouveaux ordres, subséquents à l’évacuation d’Anvers par l’Armée belge, nous fassent quitter la plus riche des villes balnéaires. Les marchandises étant embarquées à bord d’un cargo à destination de Calais, nous partîmes en tram pour La Panne. Au lieu d’y rester, je continuai jusque Furnes où je passai la nuit dans la salle d’attente de la gare. Le lendemain, je montai dans une auto anglaise qui se rendait à Dunkerque où je passai quelques jours à la caserne Jean Bart. Un beau matin, on nous embarqua dans un grand bateau (« Le Champlain » si mes souvenirs sont bons) qui nous descendit à Cherbourg, après 25 heures de traversée. C’était mon premier voyage en mer et heureusement il ne m’incommoda point, quoique le roulis et le tangage eussent été très violents, me permettant d’admirer l’admirable perspective de Cherbourg. Nous n’eûmes pas l’occasion de voir la ville car le soir même nous partions pour le camp d’Auvours[6], où nous passâmes trois jours, logés sous des tentes, maudissant l’humidité qui nous rendait le séjour peu agréable. Nous étions là plusieurs centaines qui insistions pour notre renvoi au dépôt à Calais. Après deux jours de voyage en train, nous arrivions dans cette ville d’où nous fûmes dirigés sur Vieille-Eglise[7]. Quand nous y arrivâmes, ce village était si rempli de troupes que je fus obligé, pour ma part, de dormir dans une charrette avec Houben et Goossens. Le lendemain je fus assez heureux pour trouver à loger dans un grenier chez Mme DezotteuxBerlette. Cette dame, ainsi que sa fille, la petite Alma, et sa nièce Marie furent très aimables quoique leur amitié allât de préférence au Sgt Tanghe. Quelques jours après, je repassai la visite médicale, je fus classé parmi les travailleurs, l’inaptitude au service armé étant supprimée. Nous fûmes alors dirigés sur Zutkerque[8] où je logeai chez Mme Balle-Bouché. C’est là que, sans visite, on me transféra dans une compagnie d’étapes puis une Cie de réserve de campagne, la classe à laquelle j’appartenais étant trop jeune. Au début de décembre, je reçus la première lettre de chez moi, ainsi qu’un mandat de 20 Frs. Je fus ordonnance du médecin Hendryck jusqu’au 8 janvier 1915, date à laquelle je fus renvoyé au front. Quelques jours avant mon départ, d’anciens musiciens du 11^e  m’ayant appris que Mr Hansotte était chargé de reformer la Musique, je lui écrivis, faisant mes offres de service.

       Le vendredi 8 janvier 1915, après avoir quitté Zutkerque à 8h, Audruicq à 11h, j’arrivais à Adinkerke à 16h et une heure plus tard à La Panne. Quoique les deux mois que je venais de passer n’avaient présenté que très peu de dérivatifs à la triste situation dans laquelle l’exil m’avait jeté, j’eusse sans doute vivement regretté d’avoir abandonné une vie, sinon monotone, du moins exempte de dangers si, à peine arrivé au front, la rencontre de nombreux camarades ne m’eût pas quelque peu réjoui. D’autre part, je fus très bien reçu, en arrivant, par le Lt Schotte ainsi que par tous ceux de ma Cie que j’avais connus auparavant.

       Le lendemain, j’assistai à une revue par le Roi des 11^e et 12^e de ligne, dont les drapeaux portant en lettres d’or le nom de la ville de Dixmude où tant des nôtres étaient tombés, furent décorés.

       Le dimanche suivant, encore du nouveau : une douzaine d’avions allemands dont l’un fut descendu, passèrent au-dessus de la cité, se dirigeant vers Dunkerque. Le soir, me trouvant en compagnie de Joseph Weyts et d’Ernest Rousseau, j’eus l’occasion de parler de parler quelques instants avec Mr D’Haenens qui vint à passer près de nous.

       Le lundi, j’eus le plaisir de rencontrer Maurice Hélas, alors motocycliste à la 4è D.A. qui m’amena chez lui à la villa Brise-Lames, où il me fit voir entre autres, une lettre de Bruxelles dans laquelle on parlait de mes parents et des photos d’amis communs ; bienveillamment, il m’en passa une sur laquelle il se trouvait ainsi que mon frère et Frans Luyckx. Je serais finalement parvenu à bien me trouver au front si l’air marin, trop fort en cette saison, ne m’eût suffisamment indisposé pour que, me levant le lendemain matin, un violent mal de tête ne m’ait fait craindre de tomber malade.

       Cette crainte n’était que trop justifiée car le jour suivant (mercredi 13-1-15) je me vis forcé de me rendre à la visite du médecin qui diagnostiqua une grippe légère. Aussitôt dans ma mansarde de la villa « Chimère », je me jetai sur ma paille où je restai couché jusqu’au matin du 14-1. Le docteur qui avait été quérir mon camarade Durlet, me trouva trop mal mercredi soir pour être transporté, mais son collègue, qui me visita le lendemain, m’envoya à l’infirmerie de La Panne. Je n’y restai qu’un jour d’ailleurs, car le vendredi 15, je partais pour l’hôpital de Calais. De ce temps-là, le service n’était pas bien organisé car, quoique parti de La Panne, j’arrivai trop tard à Adinkerke pour être expédié plus loin. Ce n’est que le lendemain, après avoir passé une mauvaise nuit sur de la paille, que je pus partir. Le train quittant Adinkerke à 14h nous amena à Calais à minuit. Quoique n’ayant plus rien mangé depuis trois jours, je me mis au lit aussitôt, heureux dans ma détresse de pouvoir jouir de la fraîcheur des draps, satisfaction que depuis Gand je n’avais plus eue. Le dimanche 17-1-15, après m’être lavé et quelque peu restauré, je passai la visite d’un médecin qui me donna un billet d’embarquement pour le « Jan Breydel ». Le départ de celui-ci avait été retardé de 3 jours déjà, le temps étant trop mauvais. Comme vers 4h de l’aprèsmidi, il semblait qu’il fût plus beau, le capitaine se décida à quitter le port. Mal lui en prit, car à peine en mer, le bateau se mit à danser sur les eaux écumantes. Et cela dura 14 heures ainsi ; dans le salon où je m’étais réfugié, la présence de nombreux malades rendait la chaleur étouffante et ne contribuait pas peu à nous rendre plus malade encore. Je ne me rappelle pas l’avoir été ainsi de toute ma vie. C’était horrible ; en quatre jours j’avais peut-être mangé 500 grammes de pain et je devais vomir. Lorsque tout ce qui me restait dans l’estomac de ce pain fut rendu, je me mis à faire sortir un liquide verdâtre qui m’arrachait des cris de douleur. J’ai tant souffert que je croyais bien ne plus jamais m’en remettre. Heureusement le supplice finissait. Il était 9 heures quand, le 18 janvier, nous débarquâmes à Cherbourg. Quoiqu’encore tout étourdi de la traversée, l’absorption de quelques mets substantiels me remit bientôt sur pied et ce n’est que fatigué que je pris le train à 12 h 45. Celui-ci nous déposa à Coutances (Manche) où nous arrivâmes à 18 h. Trop exténué pour faire la route à pied, je fus amené en voiture au séminaire où l’on me donna un lit dans la salle de « Meaux », service du docteur Baize.

       Une nouvelle existence commence : arrivé exténué, je suis considéré comme gravement malade de l’estomac ; un vieux docteur de Paris, Mr Legendre, me déclara même anémié et trop faible pour faire un soldat. Ce médecin, malheureusement, ne reste que 15 jours et se fait remplacer par le Dr Mettais qui lui-même cède la place au Dr Vermeilles. Celui-ci, pour sa première visite, approuve la médication qui m’a été ordonnée, me remet au régime lacté et le même jour, me déclare sortant (20 mars 1915).

       La plus grande partie de mon séjour, je restai au lit, n’en sortant que pour mes besoins corporels. Je me serais donc rudement ennuyé, si la lecture des Misérables et d’autres chefs-d’œuvre ainsi que les soins des infirmières et les visites de personnes généreuses n’eussent apporté à la monotonie de la vie d’hôpital une note claire et joyeuse. En d’autre temps j’écrivais : dès le lendemain de mon arrivée, j’envoyai des nouvelles à mes parents, je leur en donnai à plusieurs reprises, mais je crains beaucoup que la plupart de mes lettres ne se soient perdues en route. Le 12 mars, me trouvant à l’enterrement du Sgt Piette de Verviers (mitrailleur au 11^e de ligne), mort du typhus, j’ai rencontré Jh[9] Weyts. C’était ma première sortie ; le temps étant clair, après avoir visité la cathédrale de Coutances qui est magnifique, je fis l’ascension de ses tours et du haut de son dôme, je pus admirer le splendide panorama qui se déroulait sous mes regards. Autour de l’église qui les dominait de ses 72 mètres de hauteur, les places et les rues de la ville avec leurs maisons accrochées aux coteaux et leurs jardins, plutôt rares mais d’autant plus beaux ; plus loin la station aves ses nombreuses voies qui semblent vouloir enserrer comme un grand serpent les collines qu’elles gravissent en s’élançant vers l’horizon ; puis de vastes pâturages qui nourrissent un bétail innombrable, et en fin, dans le lointain, les îles de Chausey – Jersey et les côtes de Bretagne qui baignent les pieds dentelés de leurs rochers dans l’eau grise de la mer. Avant de descendre, après ce spectacle grandiose, j’eus l’occasion d’en voir un grotesque ; c’était dans la salle des cloches, une femme et un homme sautant, tour à tour, sur de grosses planches qui, par l’effet de poulies, mettaient les plus grosses cloches en branle.

       Le 15 mars, Félix Dekeyser, que je rencontre sur la place me dit que des lettres de ma mère, Henri et Hortense sont arrivées à la Cie ; j’ai écrit aussitôt à Calais.

       Le 25 mars (jeudi), veille de mon départ, j’ai dirigé mes pas vers Gratot où j’ai rencontré A. Letellier. Je n’y suis guère resté, et après m’être égaré pendant quelques minutes, suis rentré à Coutances.

       Le 26 je quittais cette ville à 7h du matin pour arriver à Cherbourg à 11h et au D.C. de Querqueville à 12H. Deux heures après je passai la visite du médecin qui me faisait rester quoique mon billet de sortie portât la mention « guéri » écrite par le docteur Mettais qui ne m’avais plus visité depuis mi-février. Mon lit dans la baraque 4 y porte le numéro 39. Le lendemain, à la suite d’une nouvelle visite, je suis mis au petit régime maigre qui décidemment n’est pas mauvais et me suffit. Le 27 mars 1915 (samedi) le médecin passe de nouveau. J’écris à quelques camarades. Les quelques jours que je passai à Querqueville me firent du bien. Au bord de la mer, les promenades sont nombreuses ; j’en poussai même une jusque Cherbourg et Octeville[10] ; j’ai visité le fort de Querqueville, où j’ai pu voir des canons de 320.

       Le 6-4, une lettre d’Henri m’est parvenue ; j’ai répondu aussitôt. Considérant que ma convalescence serait longue, le docteur décide de m’envoyer pour un D.C. belge.

       Le 13-4, quittant Cherbourg à 18h45 après avoir passé par Octeville, j’arrivai à Granville à 4h du matin.

       Le 14-4, à 5h du matin, nous étions au D.C. de St Pair[11] où je devais passer mes plus beaux jours de la guerre. Ma 1^ère journée fut bien remplie ; quoique fatigué par le voyage de nuit, j’explorai quelque peu les environs qui sont calmes et reposants et la plage qui est grande et fort belle. A 8h déjeuner ; à 12h dîner ; à 18h souper ; à 20h coucher. Ces heures doivent être respectées, plus même que dans une caserne. Le matin, le Sdt Bougard que j’avais connu à Lierre me propose de l’aider au bureau ; à 14h, à la visite, le docteur me met au régime lacté (2 l. de lait et 6 œufs).

       Le 18-4-15 (dimanche), je rencontre à Granville l’Adjt Dethier.

       Le 20-4-15, je reçois le mandat-poste de 100 Frs que m’annonçait mon Père dans sa lettre de décembre 14. J’écris chez moi ainsi qu’à MM Boël. Je commence à travailler au bureau avec Omer Bougard, ancien employé de Mr Warocqué. Jusqu’à ce moment, je n’ai fait que me promener dans les environs ; mais, à partir de cette date, le travail ne me laisse que quelques heures de répit chaque jour ; cependant, je puis constater que beaucoup de femmes, même des mariées, s‘amusent.

       Le 5 mai, je reçois lettres de Père et d’Hortense auxquelles je réponds aussitôt.

       Le 30 mai, j’assiste dans une fête. C’est à la suite de celle-ci que je deviens ami de plusieurs familles du Nord (Pecquériaux, Mairesse-Dureuil de Wignehies, etc.)

       Du 30-6 au 12-7, je remplace à Granville le secrétaire de la compagnie de subs(istance?), Libon, qui est envoyé dans une commission de recrutement à Poitiers. De tous les hôpitaux ou dépôts que je visitai en France, ce fût certes celui de St Pair qui me plût le plus. Le pays d’abord était agréable à parcourir, les quelques bains de mer que je pris me firent énormément de bien, les habitants étaient on ne peut plus aimables, surtout les Pecquériaux et Mairesse, les quelques fêtes qui y eurent lieu, surtout celle de Granville où l’orchestre était dirigé par Mr C. de Thoran me procurèrent quelques succès agréables ; malheureusement, toute chose à sa fin : le Capitaine Sohier, qui avait essayé de m’envoyer au C.I.S.L.A.[12] de Bayeux et de Gaillon se vit finalement obligé de m'évacuer, le docteur m’ayant déclaré sortant.

       Le 25-7-15 (dimanche) après avoir visité beaucoup de gens et bu pas mal de chopines, je pris le chemin de Granville où je rencontrai, avant mon départ, Pierre Pecquériaux. A 4h le train partait ; passant par Argentan, Mézidon et Serquigny, j’arrivai finalement à Rouen le lendemain 26-7 à 9h du matin. On nous amena à la caserne Hatry[13] que nous quittâmes à 16h ; à 17h le train nous emportait, nous déposant à 3h à Amiens et le lendemain, 27-7, à Calais, à 7h. Nous avons dîné à la citadelle et à 14h nous partions pour Audruicq où nous débarquâmes à 14h30.

       Pendant les quelques jours que j’ai passés à Audruicq, j’ai eu l’occasion d’aller, à Vieille-Eglise et à Zutkerque, rendre visite aux gens où j’ai logé en 14. Geesbergen, que j’ai vu à Vieille-Eglise, a gardé une maladie nerveuse provoquée par l’explosion d’un obus à Dixmude. Il est un peu déséquilibré et en veut beaucoup aux Allemands.

       Dans la nuit du 28 au 29/7, un avion a jeté quelques bombes sur Audruicq, causant peu de dommages.

       Pour la première fois, le 1-8-15, je porte la tenue khaki ; à 6h du soir, je monte de garde à la gare jusqu’au 2-8. En dehors des promenades à pied qui constituaient l’exercice journalier, j’ai passé mon temps à écrire chez moi et à quelques amis.

       Le 10-8-15, quittant Audruicq à 7h, je débarquais à 14h à Adinkerke ; à 19h j’étais à la Cie, cantonnée à ce moment à Steenkerke.

       Le 11-8-15, la Cie partait à 18h ½ pour aller exécuter des travaux à 200m du chemin de fer NieuportDixmude, à hauteur d’Oud-Stuyvekenskerke. En revenant, nous avons vu l’église de Lampernisse en feu. Nous rentrions le 12-8-15 à 4h du matin et retournions le soir jusqu’au 13-8-15 à 3h. A 15h nous partions en tram pour La Panne, où nous arrivions à 16h.

       14-8-15 un avion a jeté 6 bombes, tuant sept personnes. Rencontré l’Adjt Demulder du 5^e ligne 2/4.

       15-8-15 anniversaire de ma dernière rencontre de mère et Hortense.

       17-8-15 (mardi) Avion a jeté 6 bombes près hôpital ; pas de dégâts. J’ai vu Robert Peeters et Albert Huysekom.

       Le 18-8-15 (mercredi) quitté La Panne en tram jusque Steenkerke; arrivé à 19h à Avekappelle (B.M. 16)

       Le 19-8-15 (jeudi) à 19 h départ pour tranchées. Arrivés à 21h à droite de la gare de Pervyse, en face du château de Vicogne, nous avons commencé à travailler à 22h jusqu’au 20-8-15 à 2h du matin. On dort beaucoup aux tranchées. A 13h je me levais seulement ; nous étions depuis une ½ heure au travail lorsque quelques salves d’artillerie vinrent l’interrompre. A 23h nous recommencions, pour ne cesser qu’à 0h30. Un aviateur allié, ma foi très courageux, est retourné 3 fois en avant, quoiqu’ayant été presque atteint. A 21h nous partions pour Avekappelle où nous arrivions vers 22h.

       22-8-15 (dimanche) Je suis favorisé aujourd’hui : plusieurs lettres me parviennent parmi lesquelles une de Père. A peine ai-je eu le temps d’y répondre car le soir même, à 19h, nous étions en route pour les tranchées de piquet. Arrivés à 20h ½, nous étions au travail à 21h ¼ pour ne finir qu’à 1h le 23-8-15 (lundi). Après un dimanche si bien rempli, je me suis permis de rester au… lit jusque 10h. Le soir nous allions en avant ; partis à 20h nous arrivions à la grand’ garde à 20h ¾ ; j’ai passé une nuit de garde en avant du poste F.7, derrière quelques sacs de terre que j’ai renforcés.

       24 août (mardi) A 3h ½ je réintégrai le poste (m.o.[14] Grégoire). A 19h ¾ nous étions relevés par 2/III (m.o. G...?...). Pendant la journée, le château de Vicogne a été bombardé et mitraillé. Un camarade a trouvé un crâne. A 23h ¼ arrivé à Avekappelle (B.M. 17).

       25 août (mercredi) A 8h debout – Inspection 26 août à 17h départ pour chemin de fer, abri 34 ; travaillé de 22h à 3h du matin.

       27-8 idem de 16h ½ à 18h et de 22h à 3h.

       28-8 idem de 9h à 10h ½. L’après-midi, alors qu’une section était au travail, une dizaine de 77 sont tombés à proximité ; un cadavre a été déterré en partie devant l’abri du commandant. A 21h nous partions pour le cantonnement, arrivés à 23h.

       29-8 J’ai été à Eggewaaerts-Cappelle

       30-8 (lundi) A 19h partis pour tranchées de piquet où nous arrivons à 20h ¾. Au travail de 22h à 3h du matin.

       31-8 (mardi) A 20h ¼ départ pour première ligne où nous arrivons vers 21h. Je reste au petit poste N°2 (Tr. 6). La nuit en sentinelle avec Durlet dans un trou d’obus à 50m en avant dans fils de fer barbelés. Il a fait un temps froid et pluvieux (m.o. Paul). A 4h ¼ je rentrais définitivement.

       1^er septembre (mercredi). Regardant au périscope la tranchée allemande du Kloosterhoek, j’y ai vu à deux reprises une tête. Il y a 3 jours, les Allemands avaient posé un drapeau blanc et demandant de ne plus tirer ; deux prisonniers, un congé de 15 jours était promis. Le Cdt Borms du 3/II a fait bombarder. Aujourd’hui nouveau drapeau ; un soldat a voulu s’avancer mais ils ont tiré sans l’atteindre (m.o. Loncin). A 21h ½ relevés par 3/II ; à 23h au cantonnement.

       2-9-15 (mercredi) A 8h debout. A 15h en route pour le travail à droite de Rousdamme; cris et injures des hommes qui trouvent la vie dure ; rentrés à 18h ½.

       3-9-15 partis à 19h pour piquet ; arrivés vers 20h ½ ; le temps étant pluvieux, nous n’avons pas travaillé.

       4-9-15 (samedi) A 20h nous partions pour la première ligne ; j’étais désigné pour le poste d’écoute « b » du p.p. 3 en face de Kloosterhoek. Il a plu toute la nuit. J’étais seul lorsque qu’une patrouille de 4/II commandée par De Backer est arrivée droit sur moi, alors qu’elle devait passer dans un autre sens. Cela m’a émotionné beaucoup (m.o. Waes).

       5-9-15 (dimanche) relevés à 21h. Nous passions près de la ferme S à Pervyse lorsque je glissai, recevant le pommeau de ma baïonnette dans la poitrine. Claes m’a aidé à me relever et je suis parvenu avec peine à arriver au cantonnement à 23h.

       6-9-15 (lundi) A 6h du matin, nous allions travailler à Rousdamme, d’où nous revenions à 18h. A 20h nous partions pour Steenkerke où nous arrivions à 20h ¾.

       7-9-15 repos.

       8-9-15 (mercredi) partis à 4h ¾ ; entre 6h et 6h ½ violent tir de notre artillerie ; alors que quelques schrapnells allemands éclataient au-dessus de nos têtes, nous repartions pour Oostkerke où nous avons travaillé de 9h à 17h ½. Quelques obus sont tombés à 300 mètres.

       9-9-15 ressentant quelques douleurs au côté gauche, j’ai été à la visite du médecin qui m’a fait donner du pyramidon et une couche de teinture d’iode. Ai été travailler à Oostkerke de 7 à 16h.

       10-9-15 idem de 7 à 15h ¼ ; une dizaine d’obus dans le village ; 3 blessés dont deux mortellement.

       11-9-15 travaillé à Oostkerke de 7 à 14h. Journée calme, quelques avions.

       12-9-15 A 16h nous partions pour La Panne. J’ai beaucoup souffert pour arriver jusqu’au tram. A 19h nous arrivons à la villa « Digue de mer » ; quelques mots vifs avec Cottaels qui me renseigne.

       13-9-15 (lundi) J’ai été à la visite du médecin qui m’envoie à la radiographie à l’Océan. On constate une fracture de la 9^ème côte et une fêlure à la 10^ème (suite de ma chute du 5-9). Le docteur Stouffs me donne un billet pour l’infirmerie.

       14-9-15 (mardi) Parti à 10h pour Stenkerke, à 17h pour Adinkerke; à 21h pour Calais où j’arrivais à 2h du matin à l’hôpital de passage à côté de la gare.

       15-9-15 (mercredi) On me dirige sur l’ambulance Elisabeth où je séjourne 3 jours dans la salle Vendôme, lit 49.

       18-9-15 Fait sortant la veille, je quitte Calais par le train sanitaire de 8h10. Nous passons par Amiens, Beauvais, Achères, St-Lô pour arriver le lendemain

       19-9-15 (dimanche) à 6h du matin à Coutances. Il y a quelques mois, le Séminaire était considéré comme le plus mauvais des hôpitaux, le Lycée, comme le meilleur ; aussi, ne sachant pas que les rôles étaient changés, j’ai choisi le dernier où j’ai logé dans la salle n° 1, lit 501.

       23-9-15 (jeudi) Dans le courant de la journée, me sentant mal, je me suis mis au lit à 16h ; à 17h ½ on me met le thermomètre qui marqua 39°. Je crains fort que ce ne soit la fièvre typhoïde.

       24-9-15 Le matin la température est descendue à 37°6, l soir à 37.

       25-9-15 à 37°3, quoique très faible encore, le médecin me déclare sortant.

       26-9-15 Profitant du beau temps, je suis sorti de 12 à 15h.

       27-9-15 Reçu nouvelles de chez moi (portrait d’H.) 1-10-15 A 6h du matin, je quitte Coutances ; passant à 7h 20 à La Haye du Puits, j’y ai rencontré Edmond Joanneaux du B(?) Militaire ; remontant à 10h, je débarque à Portbail vers 11h. A l’Ecole, où nous passons la visite, on me désigne comme logement l’Hôtel de la Mer. Un instituteur, Richard Witvrouw, dirige une petite musique et m’engage comme bugle solo. La plus grande partie de mon temps se passe à faire de la musique ; répétitions, concerts et promenades à St Lô d’Ourville où nous sommes reçus à la villa de Mr de la Londe ; les dimanches, mardis et jeudis, il nous est permis de sortir quelques heures. Le pays est moins beau qu’à St Pair. La plage est aussi grande, par les grandes marées, nous sommes presque entourés d’eau, mais l’aspect général offre beaucoup moins d’attraits que St Pair.

       6-11-15 (samedi) Ayant accepté l’offre du commandant, j’assiste comme garçon à l’ouverture du mess du D.C. Cet emploi n’est pas sans offrir quelques inconvénients mais il me met à l’abri de la guerre et de toutes ses horreurs. Les heures qu’il me laisse libres sont presque toutes occupées par la musique que je commence à prendre en aversion d’autant qu’une faiblesse des lèvres me rend le plus malheureux des musiciens. Mais, nécessité fait loi. Et non seulement je joue de l’instrument, mais dans chaque fête, je chante. Hélas, tout a un temps.

       Le 17-6-16, Richard s‘en va à l’hôpital de St Lô, soi-disant malade, et le 19-6-16, le général-médecin Mélis vient passer la visite. Cela semblait bien marcher : après m’avoir examiné, il indiquait « à l’examen » ; mais me questionnant sur la provenance de mon mal d’estomac, je lui répondis que je pensais que c’était une suite à un empoisonnement d’avant la guerre. Ce fut ma perte ; car, après m’avoir remercié, il dit au commandant du Dépôt que «  s’il a fait son service jusqu’à présent, il pourra encore le faire » et me mit sortant.

       Le 20-6-16, je faisais à la hâte mes adieux chez Mrs Toulouzez, Guesdon, Lagarde, Merlhe, etc. Et le lendemain mardi 21-6-16, je m’embarquais à 6h du matin, disant adieu au Lt Ingenbleck, au Dr ainsi qu’aux amis, dont les meilleurs furent Papa Goffart et Raoul Huart.

       Le 29-6-16, je quittai Auvours où je venais de passer quelques jours, dépensant mon temps en flâneries dans le camp sablonneux ou au village de Champagné. J’ai entendu l’harmonie qui n’était pas forte et la symphonie qui était bonne. Profitant de quelques heures de liberté, je visitai Le Mans qui compte parmi les belles villes de France.

       Le 1-7-16, après avoir passé par Rouen, je débarquai à Fécamp où je fus logé à La Poste, couchant à côté de mon ami Edouard Mertens. Ici encore une fois, la musique me fut d’un grand secours ; au lieu d’aller à l’exercice, j’assistais aux répétitions et concerts à la Bénédictine et au Mans. J’y ai joué, le bugle, piston, trompette et petit bugle.

       Le 8-9-16, je partais pour le front où j’arrivai le 9-9-16 (samedi), rentrant à 18h à la Cie.

       12-9-16 (mardi) parti à 19h pour travail à la tranchée des lance-bombes (secteur de Dixmude) à 100 m de la digue. Rentré à 4h45. (30 Km aller et retour ; nous sommes logés à Alveringhem).*14-9-16 (jeudi) Partis à 18h nous sommes rentrés à 2h après avoir eu de la pluie jusque 22h. Fait extraordinaire, à 23h nous avons pu voir un arc-en-ciel et une heure plus tard, un halo. Nous avons porté d’énormes troncs d’arbre, d’un wagon de Caeskerke jusqu’à 100m de l’Yser et de là sur les épaules jusqu’à la digue.

       15-9-16 (vendredi) A 15h prise d’armes au 2G. 3 DA pour remise de décorations par l’Amiral Ron’arch (commandant des fusiliers-marins à Dixmude). En route pour le travail à 18h. Nous avons porté des briques de la deuxième ligne à la ligne locomotive-briqueterie, en avant de Caeskerke. Rentrés à 1h ¼. Pluie persistante.

       Lundi 21 mai 1917

       Voici 7 jours que je suis à Wulpen, au nord du canal. L’alto que j’avais demandé en prêt à Mr Toulouze de Portbail a été refusé par le curé qui en était propriétaire. Je serai donc obligé d’en acheter un. Heureusement j’ai pris quelques dispositions ; j’ai écrit avant-hier à Georges Lecrinier et aujourd’hui à Mr Helat. Raoul Huart que j’avais revu jeudi m’a prêté 60 Frs.

       Dimanche 27 mai J’envoie 35 Frs à Ramond, 80 rue Montmartre à Paris, qui me demande 30 Frs pour un alto remis à neuf Gautrot. Je remets 20 Frs à Huart (reçu en retour, pas employé maintenant)

       Mercredi 6 juin

       Dans la nuit du 4 au 5, bombes lancées par avions dans la région de Furnes. Dans la nuit du 5 au 6, lancement de gaz vers 0115 Hr jusque 0230 Hr. Je suis resté éveillé. A 4 Hr fini, peu d’effets ; remis 20 Frs à Huart. Il mer reste donc 30 Frs à lui rembourser.

       Lundi 11 juin

       Je suis allé à Ronsdamme. Raoul Huart m’ayant prévenu de l’arrivée de l’alto chez Van Laethem. Mardi 12 juin Revu Pirlot du 14 Li. Celui-ci est venu me l’apporter.

       Mercredi 13 juin

       Envoyé 33 Frs à Ramond. J’ai commencé aujourd’hui le premier alto. Assez bien de difficultés avec l’alto dans Samson et Dalila en ré, 4è l. en son filé pour commencer.

       Mardi 19 juin

       La Musique s’en va en congé. J’étudie toujours. Repris un peu l’harmonie. Les Anglais remplacent les Français à Nieuport.

       Jeudi 21 juin

       Comme d’habitude je revenais de la salle de lecture quand les Boches se mirent à tirer à obus et schrapnells sur Oostduinkerke et Coxyde. Depuis lundi il pleut (orages) après forte chaleur. Il y a un an que j’ai quitté Fort Bail

       Dimanche 30 septembre

       Dans les derniers temps, les Allemands ont bombardé devant mon logement. La baraque du 14^e Mus. A été atteinte. Pas de blessés mais 22 instruments hors d’usage. Le captif atteint par des éclats a changé de place. J’ai reçu le 20 une lettre d’Henri du 15-5-17 et hier une de Père du 31-7-17. Aujourd’hui 25^ème anniversaire. Je me suis fait photographier (pas réussi). J’ai remis 8 Frs à Huart, c’était le solde de ma dette. Remplacé Gehin pour 2,5 Frs, ravitaillé à Ramskappelle.

       Jeudi 4 octobre

       Cette semaine, activité de bombardement. La digue du canal deux fois bombardée ; mardi soir, de nombreuses bombes jetées partout.

       Samedi 6 octobre

       La musique part en congé. Je remplace Giot. Le chef est d’un difficile !

       Mercredi 17 octobre

       Vers 14 Hrs, violent bombardement de Wulpen, église et pont ; environ 200 obus en 1Hr ½

       Jeudi 18 octobre

       Vers 14 Hrs quelques obus à 180 m du logis du chef au canal.

       Vendredi 19 octobre

       Obus sur le village. La musique rentre de congé.

       Dimanche 28 octobre

       3 bombardements dans la semaine. Le 22 ravitaillé au P.P. ; le 24 ravitaillement à Ramskappelle. On bombardait quand je passais en auto ; un obus tombe à 20m de l’auto ; le 26 remplacé les hommes du P.R. pour Dufrasne, avec Vanderh., Moisse et Vandendriessche; le 27, remplacé pour Gehin au P.P. ; reçu 2 Frs du chef. Ecrit le 28 à Bruxelles.

       Dimanche 18 novembre

       Des avions « Gotha » sont venus jeter des bombes dans les environs 2 fois cette semaine ; beaucoup de victimes à La Panne. Le 17 au matin, Jh Montoisy a été atteint par les gaz, il est à Cabourg. J’irai le voir mardi. Ecrit à C.L. qui a le typhus.

       Mardi 27 novembre

       J’ai vu Jh Montoisy à Cabourg ; il soufre des bronches mais ses yeux ne sont plus en danger. Walleyn est infirmier. Vlamynck a été gazé, il est à peu près guéri.

       Vendredi 20 novembre

       Ecrit. 3 ou 4 obus.

       Mardi 4 décembre

       Barrage côté sud de l’église et derrière chez nous. 4 tués. Logé à la musique dans le lit de Wets.

       Jeudi 6 décembre

       Écrit à Bruxelles

       Samedi 8 décembre

       Reçu cartes {mots biffés}

       Lundi 10 décembre

       Répondu

       Lundi 17 décembre

       Parti de Wulpen à 9 Hr et ½ train à Furnes 10Hr10 arrivé à Bray-Dunes vers 13 Hr. Logé à Ghyvelde, pas de paille. On a bu de trop.

       Mardi 18 décembre

       Quitté Ghyvelde pour Bray-Dunes. Logé au N° 167 près la gare.

       Mercredi 19 décembre

        Changé de cantonnement. Logé dans baraque près passage à niveau. Fait une tente avec … {illisible}. Conduit 1^er Bon aux Moeres (Fr).

       Jeudi 20 décembre

       Aménagé logement. Ecrit à G. Lecrinier. Changé de cantonnement, logé en face.

       Dimanche 3 février

       Parti pour frontière entre Hondschoote et Houthem. Pendant séjour à Bray-Dunes, 3 visites à Lecrinier. Plusieurs Gothas descendus. Sryers (?) et Woit (?) à l’hôpital Coleo...? pour les oreillons.

       Lundi 4 février

       Férir (?) hôpital idem. Musique est consignée.

       Mardi 12 février

       Prise d’armes, remise de décorations (..?..). Le prince de Connaught et le Général Rucquoy. Moïse décoré.

       Mercredi 13 février

       Parti pour Oost Vleteren. Logé à 200m du village dans ferme, trop peu de place. 6^ème (?) Il a eu 3 tués, 8 blessés, 3 disparus

       Lundi 18 février

       Au p.p. du croisement routes vers Merckem et vers Bisschoote. Visité cimetière allemand à B. (2000 tombes) 1 Belge, 3 Français. J’ai été jusqu’au bois Paul. Terrain labouré par les obus, beaucoup d’abris solides partout. Des cadavres sont retrouvés chaque jour (Lissens, Tefnier, Sterckenberg et moi). 2 blessés pendant (..?..) sur deux jours.

       Mercredi 20 février

       Rentré au cantonnement

       Dimanche 24 février

       Retourné au P.P. (V.d.Ost. Tefnier, Liss. et Dek)

       Le lundi matin, une trentaine d’obus aux environs du poste, très peu de blessés. Avons blanchi la salle de pansement et installé un poêle. (Dr Gillet)

       Mardi 26 février

       Revenus par Reninghe. Un bus dans le cimetière, à 10-15 m de l’auto conduite par B...?

       Jeudi 28 février

       Retourné au P.P. pour Sarlet (12 Frs) (Dr Gillet, Peeters, Godts, Vdberg et Dek)

       Vendredi 1^er mars

       Avons été trois fois chercher des blessés sur la route entre P.P. et P.R. du 12^e après formidable bombardement (18 blessés et 7 tués)

       Samedi 2 mars

       Rentré

       Mardi 5 mars

       Joué enterrement (cymbales)

       Vendredi 8 mars

       Un captif en flammes au N-E.

       Dimanche 10 mars

       Sommes allés à Ghyveringhove pour jouer au match de football 12^e – 6 Chrs (2-0). La musique du 2^e a joué. Rencontré Charles Jeannirs, Bauwens, Van Damme, Capouillez (Portbail) fourrier de Carteret (bugle solo 2^e l.), Pousset (…?...)

       Lundi 11 mars

       Enterrement (10 tués)

       Lundi 18 mars

       Oost-Vleteren, bombardement

       Jeudi 21 mars

       Offensive allemande commencée à la Somme Dimanche

       24 mars

       Cloches de ..?.. ville à Beveren L’offensive continue. Les armées allemandes arrivent près d’Amiens, ils attaquent au nord d’Arras, enlèvent Armentières, Bailleul, etc. J’ai été voir les contes d’Avril.

       Mercredi 17 avril

       Attaque sur le 9^e et le 11^e (les Allemands croyaient la position au-delà de l’Yperlee abandonnée, ils furent repoussés ; 700 prisonniers ; le Sergent Maenen tué.) A 20Hrs, parti à F. pour dépôt génie. Conduit fusées au P.C. du Général à 1000m de maison carrée. Bien marché, rentré à 5 Hrs du matin.

       Samedi 27 avril

       Repris cantonnement du 1/II

       Dimanche 28 avril

       On nous dit que nos troupes se sont repliées, le mont Kemmel étant pris. On s’attend à une offensive ici. (…?...) Coupé cheveux

       Lundi 29 avril

       Pour la 3^e D.A. le bruit du repli est démenti mais la 4^e ainsi que les Anglais à leur droite ont dû abandonner du terrain dans notre secteur. Les effectifs au-delà de l’Yperlee ne sont plus que d’un Bn dont chaque Cie se trouve à plus d’un kilomètre de la suivante.

       Mercredi 8 mai

       A 18 Hrs nous quittons le front pour Beveren. Nous passons par O.V., les bains d’Elzendamme et allons loger à 2 kilomètres de Beveren sur la route de Roesbrugge ; le soir j’ai été me promener jusqu’aux abords de ce village.

       Jeudi 9 mai

       Cette nuit, de nombreux Gothas sont venus jeter des bombes dans les environs ; une torpille est tombée sur le bâtiment que nous devions occuper à Klein Leisele. Il était inoccupé. A l’occasion de l’Ascension, service du dimanche.

       Mercredi 15 mai

       Plusieurs wagons ont été atteints par des bombes d’avions à Klein Leisele ; beaucoup de dégâts.

       Dimanche 19 mai

       Pour la Pentecôte on nous gratifie d’un voyage en train de Klein Leysele à Furnes. Avant midi nous arrivons à Wulpendamme où nous sommes logés à la b.179 (?).

       Vendredi 24 mai

       Parti avec Tefrin Snyers et Soumagne au P.S. du Violon.

       Le 26 mai, un avion anglais privé d’une aile est tombé à Pervyze. Les deux aviateurs ont été apportés chez nous. La nuit précédente, violent bombardement.

       Lundi 27 mai

       Relevés à 19 Hr.

       Dimanche 2 juin

       Fortement grippé. Malade pendant deux jours.

       Mercredi 5 juin

       Entre 1 et 3 Hr du matin, violent bombardement dans notre secteur. 4 tués et 7 blessés. 4 prisonniers belges et 4 allemands.

       Dimanche 9 juin

       Ecrit à la maison.

       Dimanche 30 juin

       Bombardement du pylône d’observation de Wulpendamme.

       Samedi 6 juillet

       Ecrit à C. Leblicq. Le bombardement du pylône a continué jusqu’au 13.

       Dimanche 14 juillet

       Cette nuit on a descendu le pylône. A 13Hr ½ départ pour repos de D.I. Arrivée à Isenberghe à 17 Hr. J’ai monté un lit en 1 heure.

       Mardi 23 juillet

       Vers 3 Hr du matin, une dizaine d’obus sont tombés sur Isenberghe et environs. Nous avons eu 4 concerts dans la semaine.

       Mercredi 24 juillet

       Bombardement (quelques obus depuis 10 Hr du soir jusqu’au matin). A 14 Hr concert pour fête sportive à côté de l’hôpital à Wulveringhem.

       Vendredi 26 juillet

       Revue au Doodemanshoek. J’ai prêté hier soir 10 Frs à Paul Lemort qui me promet de me les remettre pour lundi (Z36 – 4^e Cie)

       Lundi 12 août

       J’ai été trouver Lemort qui m’a remis les 10 Frs prêtés.

       Vendredi 16 août

       Pour la première fois de la guerre je me rends en congé. Celui-ci est établi pour Lourdes et Paris. Muni d’une centaine de francs, je m’embarque à Isenberghe à 15 Hr 40. Après vingt heures de voyage nous atteignons Paris, esquintés par le confort du train.

       Samedi 17 août

       Aussitôt arrivés (11Hr15) nous nous débarbouillons et prenons un repas à la Gare d’Austerlitz. Puis promenade au Jardin des Plantes et ensuite les environs de la Porte St Denis où je rencontre Victor Van Opsberg. A 17 Hr nous le quittons et à 18 Hr nous nous groupons au quai de la gare. Un peu avant 9 Hr du soir, nous quittions Paris, Luyckx, Deprez et moi ; nous n’avons pas revu Hoex (?) qui devait nous accompagner. Le voyage fut un peu plus supportable que le précédent.

       Dimanche 18 août 1918

       De Bordeaux à Pau je me suis trouvé avec une dame J. Delamare que je revis plus tard. Le train ayant une ½ Hr de retard nous arrivâmes à Lourdes à 14 Hr ; nous nous rendîmes chez Madame Sarrat rue Basse où nous pûmes nous restaurer quelque peu. Après avoir posé nos paquets rue des Petits Fossés où nous avions une chambre pour 4, nous nous promenâmes dans la ville. Celle-ci, encadrée de montagnes plus ou moins hautes, présente un aspect magnifique dont la cathédrale forme le plus beau joyau. Celle-ci, composée de trois églises est adossée à la montagne ; la première, circulaire, est au pied et entourée de deux chemins et d’escaliers qui conduisent à la deuxième église qui semble établie comme un entresol. Celle-ci est plus basse mais la troisième qui se détache nettement du décor en élançant aux nues ses tours aiguës et qui est posée sur la 2^ème semble être la plus belle, vue de l’extérieur. Leur intérieur, à toutes trois, est, quoiqu’inachevé en certains endroits, d’une opulence incontestable. Les marbres les plus beaux, les céramiques les mieux réussies rivalisent avec les statues les mieux taillées. Que d’or il a fallu pour payer toutes ces merveilles ! Sur le flanc de la montagne et à ses pieds se trouve la grotte, disposée en église ouverte et où les croyants viennent chanter leurs louanges à N.D. de Lourdes pendant le Gave chantant son éternelle chanson roule ses eaux tumultueuses de l’autre côté de la route.

       Du haut du parvis de l’église supérieure, un magnifique panorama s’offre à nos yeux. Suivant la direction générale de la cathédrale, les jardins de celle-ci, entourés de grilles, s’étendent vers le centre de la ville. A gauche on peut voir le chemin de fer attaché au flanc d’un coteau moins élevé que ses frères d’à côté qui, eux, dominent la ville de leur immuable grandeur, pendant qu’au milieu des maisons, sur un rocher isolé et très haut, se découpe en traits forts et énergiques, le château fort. Derrière celui-ci, le pic du Ger, haut de 960m, élève dans les nuages la croix qui le domine et qui indique aux voyageurs la mainmise de l’Eglise sur la ville pieuse.

       Il se fait tard, nous rentrons dîner, les services chez Mme Sarrat se faisant à 8h. 12h. et 19h. Après avoir déambulé par les rues nous sommes allés au cinéma où j’ai fait la connaissance d’E. Her que je reconduisis à la maison, ce qui me valut de chercher pendant une heure mon propre logement.

       Lundi 19 août

       Le matin, nous nous sommes rendus au Foyer du Soldat et à la mairie pour faire régulariser nos papiers et recevoir nos cartes de pain et de sucre. L’après-midi nous avons fait l’ascension du pic du Ger. Ayant fait un considérable détour, nous avons mis plus de deux heures pour en atteindre le sommet, après avoir pris beaucoup de repos et... quelques pelles. Le temps était malheureusement couvert, un peu, néanmoins il nous fut possible de voir au loin vers le sud les monts les plus élevés de la région pyrénéenne tandis que vers le nord, au-delà de la ville, les coteaux diminuant toujours de grandeur finissent par se confondre avec la plaine. La descente se fit en moins d’une ½ heure mais elle est vertigineuse et dangereuse.

       Mardi 20 août

       Nous sommes allés à Cauterets et au Pont d’Espagne. Ce fut une promenade incomparable. A partir de Pierrefitte, surtout, où nous prîmes le tram qui remonte le cours du Gave en s’élevant toujours jusqu’à Cauterets. De là il faut aller à pied en montant toujours jusqu’au Pont d’Espagne qui est à 1900 m d’altitude. Le chemin qui y conduit est bordé de montagnes qui atteignent et dépassent même 2000 m ; à leurs flancs l’on voit par-ci par-là quelques bois de sapins, quelques champs ou prairies même, mais surtout des crevasses que font les eaux lors de la fonte des neiges et les sentiers que font les vaches en pâture dans les montagnes dont les échos répètent les tintements de leurs clochettes.

       Un bruit continu s’élève du fond de la vallée : c’est le Gave qui force son cours à travers les roches, couvrant celles-ci d’une écume blanche ; à certains endroits, la différence de niveaux est si brusque que ses claires eaux retombent en cascades, occasionnant une poussière d’eau à travers laquelle vous pouvez voir les couleurs de la lumière décomposée. C’est au Pont d’Espagne que je vis les plus belles ; un soldat français nous les fit voir à travers des verres de couleur : c’est vraiment féérique. Un musicien du 1^er chasseurs, Mr Goffin, photographia le groupe ; hélas, après il constata que c’était la deuxième fois qu’il se servait d’une même plaque ; je pourrai donc pas envoyer le portrait que j’avais promis à de charmantes personnes. J’aurais voulu me rendre au lac de Gaube mais il se faisait tard et bien souvent on ne laisse pas passer les soldats. Nous avons pris le chemin du retour ; avant d’arriver à Cauterets, j’ai bu un verre d’eau thermale ; celle-ci a un goût d’œufs...avancés, mais doit être bonne pour certains traitements vu le grand nombre de buveurs. A 8 Hr du soir nous étions à Lourdes.

       Mercredi 21 août

       Avec Hoex, je me suis rendu aux grottes de Betharram que j’ai trouvées moins belles que celles de chez nous. La promenade que nous fîmes pour y arriver me sembla plus belle que les grottes mêmes. Le soir j’allai voir un bout de la procession du pèlerinage national français qui arrivait à Lourdes, accompagné de musiciens (?) avec qui je passai quelques moments agréables.

       Jeudi 22 août

       Mes promenades faites par une température tropicale (46°C à l’ombre) m’ont tant fatigué, pendant que mes camarades allaient aux services religieux, je me suis promené seul ou en compagnie de Msn (? Musiciens ?) dans la ville ou ses environs. Je ne rappellerai donc plus que le concert de musique de chambre qui eût lieu au Cinéma moderne, avec le concours de Mr Wambach, directeur du conservatoire d'Anvers, et celui que donna sur la place des Tilleuls l’Harmonie des Invalides du Havre, le samedi 24 août.

       Dimanche 25 août

       Je suis allé au lac de Lourdes où j’ai fait une heure de canotage. Le soir, passant auprès de la cathédrale, j’assistai à l’illu-

{la page suivante projette le lecteur à nouveau sur le front en Belgique vers le 25 septembre 1918. Une page – au moins – recto-verso a dû être arrachée par Edmond Dekeyser lui-même}

       Bambecque à 18 h ¼ et passant par Weyerburg, Crombeke et West-Vleteren, nous arrivons éreintés à cause de l’équipement, à la ferme Simons à 21 ¾ qui se trouve à 1 kilom. au-delà d’Oost-Vleteren. Il fait calme mais l’orage s’annonce par les nombreuses colonnes de toutes sortes.

       Quel sort m’est réservé ? Je ne sais mais j’ai écrit à Constant de prévenir mes parents de mon sort, le cas échéant.

       Jeudi 26 septembre

       On nous dit que les plus jeunes marcheront comme brancardiers ; j’en suis ! J’aime d’ailleurs mieux apporter quelque soulagement aux blessés que de devoir me servir du fusil ou même de la baïonnette. J’ai reçu hier une lettre de Mme Varnerat 8 rue de la Fontaine à Lourdes, ainsi qu’un paquet de chocolat et une jolie médaille que je porterai en souvenir de sa bonté de marraine. Aujourd’hui une lettre quelque peu énigmatique de sa dame de compagnie Mme Paul Picon. J’y ai répondu mais je me demande où elle veut en venir.

       Vendredi 27 septembre

       Depuis le matin, nous sommes prêts à partir mais nous ne quittons le cantonnement qu’à 17 h pour arriver vers 20 h à la ferme des marronniers où nous attendait le capitaine docteur Sente. Nous partons de là, chargés chacun de 2 brancards pour arriver à 22 h à la ferme Champaubert. A peine arrivés, je retourne avec Luyckx aux Marronniers pour chercher du chlorure. Nous sommes revenus bredouilles.

       Samedi 28 septembre

       A 2h ½ précises, le bombardement commence. A 3h le premier blessé est amené. Personne ne se présentant, nous nous offrons Jekin et moi à accompagner Claes. Les balles de mitrailleuses sifflaient autour du poste mais nous partons quand même. En route nous nous trompons de chemin mais finalement nous arrivons aux Marronniers et à 5h 10 nous rentrions à Champaubert après avoir reçu 4 obus dont le dernier m’envoya de la terre à la figure. A 5h ½ l’attaque commence et quelques minutes après les premiers prisonniers s’amènent suivis bientôt des premiers blessés que les prisonniers nous aident à transporter. Vers 12h le docteur s’en va, nous laissant le soin d’évacuer 7 blessés couchés. A 17h, l’évacuation étant terminée, je pars avec Van Sterkenburg et Crispoux. En route, nous rencontrons deux soldats chargés d’un blessé, le Sdt Nivelle de la 3^ème Cie. Comme ils veulent l’abandonner, je retourne avec eux à Champaubert où nous arrivons à 23h après avoir surmonté des difficultés inouïes.

       Dimanche 29 septembre

       A 7h du matin, avec 2 brancardiers, j’évacue le Sdt Nivelle sur le poste des Marronniers où je retrouve les autres musiciens. Je vais rechercher mes bagages à Champaubert et je me dirige vers le nouveau poste de secours près de Poelkappelle. Nous évacuons encore quelques blessés puis avançons vers Vijfwege où nous arrivons pendant un feu de barrage. Notre nouveau poste s’installe à Oost-SchaapBallie. Toute la journée et la nuit se passent à évacuer les blessés.

       Lundi 30 septembre

       Ce fut la journée où je me suis fourbu le plus. La route qui conduit à Poelkappelle est abominable. Les brancards manquent.

       Mardi 1 octobre

       Tous les blessés du 11^e étant évacués, nous partons à 8 h pour arriver vers midi sur la crête au-delà de West-Rozebeke. En avant de nous se trouvent deux villages que les Allemands bombardent. Au carrefour près d’où nous sommes tombent quelques obus dont l’un blesse De Wachter, l’ordonnance du Cdt Stoust (..?). Après avoir passé quelques heures dans un cantonnement allemand, nous partons pour Poelkappelle (route P. - West-R.). En route, nous voyons un dépôt du génie allemand, des voitures du train vicinal, des cimetières allemands... Nous sommes bombardés par un avion allemand maquillé. Depuis notre départ d’Oost-Vleteren, nous n’avions encore reçu qu’un demi-pain. Nos biscuits sont mangés, nous avons même mangé du cheval dans le cantonnement allemand. Le soir noua allons à la rencontre du ravitaillement que nous ne trouvons pas et nous passons la nuit dans l’auto que convoie Tefnin.

       Mercredi 2 octobre

       A 6h nous partons et en route, Crispoux et moi recevons un pain de Briquet du 9^ème. Avec le café que nous parvenons à chiper ou recevoir, nous avons pu attendre le ravitaillement qui s’est amené vers 12h. Au moment où notre tente était installée, nous plions bagage et partons. A 17h ½ nous étions à Zuydschoote où le tram nous amena à La Panne. A 22h, nous étions à la plage de St Idesbald. Je viens donc de passer cinq jours dans une offensive violente. Plusieurs souvenirs m’en resteront. D’abord le transport difficile des blessés et spécialement du Sdt Nivelle ; le mauvais état des routes, la pluie continuelle, la boue, l’absence presque complète de ravitaillement et les obus reçus à droite et à gauche. J’ai fait tout ce que j’ai pu, plus même, ainsi que Luyckx, Van Sterkenburg, Jehin et Crispoux ; les autres ont souvent flanché et surtout Martens, Donners ; Solhosse, vu son état de santé, s’est surpassé. Avion allemand descendu près de Poelkappelle.

       Jeudi 3 octobre

       Je suis logé avec Jehin et Crispoux. Nous sommes allés au bain à La Panne où nous sommes réapprovisionnés en tabac, etc,…

       Mardi 8 octobre

       Parti à 10h ; pris le train vers 12 h. à La Panne ; passé par Proven et Ypres ; arrivés à 16h ½ à Wieltje ; vers 20 h. à l’Yperlee près de Boesinghe ; passé la nuit dans un abri ; pas ravitaillé. Mercredi 9 octobre Reçu un ½ pain pour tout ravitaillement ; à 16h. Partis pour Wieltje ; vers 18h. Parti en Decauville (anglais avec machine) ; passés par Passchendaele ; arrivés vers 23h. À Droogbroodshoek. Calvaire près de Moorslede ; ravitaillé à 24 h. ; passé la nuit dans bar. allem. (Poste Ch.A.)

       Jeudi 10 octobre

       A 10 h. en route pour P.S. en avant (cabaret Batavia, route Moorslede à St Pierre) bombardés à plusieurs reprises. Sommes logés dans des caves ; il y a des bar. all. derrière la poste ; gaz.

       Vendredi 11 octobre

       A 6h, pendant fort bombardement, transporté un blessé du 12è au P. Ch. A. rentré à 17h ½ en auto avec matériel.

       Samedi 12 octobre

       Parti à 7h. Revenu à 9h ½ en auto avec le capitaine docteur Sente ; rapporté café, chocolat, fromage. Vers 22h. Jehin Martens Hoex Solhoose partis avec blessé ont été pris dans la canonnade à Moorslede.

       Dimanche 13 octobre

       A 3h. de faction avec Soumagne pour attendre l’auto. A 5 h. le blessé est parti pendant le bombardement. A 7h ½ parti au ravitaillement ; revenu en auto à 10 h. 15 musiciens arrivent. L’attaque est pour demain. Tous les jours nous avons eu du gaz ; indisposé. Solhoose évacué.

       Lundi 14 octobre

       A 5h30 bombardement commence, à 5 h 33 l’attaque se déclenche. Beaucoup de blessés dont Borremans et Framines, Schwertz. Vers 11 h. le docteur s’en va en avant, me laissant l’évacuation et la direction du retour. J’ai encore eu une vingtaine de blessés. A 13h30 partis en avant avec …?... et brancards. Arrivé vers 16h ½ au nord de St Elooi Winkel ; passé la nuit dans une cave de la ferme.

       Mardi 15 octobre

       Vers 10 hr le bombardement et l’attaque commencent. Plus autant de blessés. Très malade des gaz ; j’ai un commencement de bronchite. Couché toute la journée. Jehin et Crispoux évacués. Soumagne non rentré (malade). A 13 h. le poste se porte en avant. A 17 h. je rejoins après évacuation derrière Lendelede (2 km O.). A 19h ½ nous partons pour Lendelede station où nous passons la nuit.

       Mercredi 16 octobre

       Je suis un peu mieux. Je tousse encore. Vers 11h. nous partons en avant, le poste est à 200m O. route Courtrai Bruges. A 17h, partis à 4 avec le 3^e Bn ; à hauteur de Hulste le Major nous renvoie ; à 22 h. en auto au-delà de Hulste : porté blessé 400m. avec Danvers, chauffeur et le camarade du blessé ; arrivé vers 23h ½ au P. Ch. A. 11^ème ; au P.P.O. à 0h30 et rentré au P.Ch.A. à 2h. du matin.

       Jeudi 17 octobre

       Bottines en réparation ; il était temps ! A 16 h. en route pour le 3^e Bn sans indication ; arrivés à 18 h. passé la nuit à Bavikhove (limite du village). Des 6 hommes, je suis le seul qui aie fait 4 jours avec le Med du Bn avant l’attaque. Injuste.

       Vendredi 18 octobre

       On parle de relève. Bombardement aux environs de notre P.S. ; pas de blessés ; partis à 13 h. rentrés au P.Ch.A. vers 15 h ; parti à 16 h. convoyer blessé anglais, rentré à 18 h. ; quitté le poste à 21 h., arrivé au cantonnement à St Elooi Winkel à 22 h.

       Samedi 19 octobre

       Repos

       Dimanche 20 octobre

       Quitté St Elooi Winkel à 8h. Passé par Oucken, Rumbeke, Roulers, Beveren, Gits ; arrivé à Kortemark vers 16 h. tous ces villages sont fortement endommagés.

       Lundi 21 octobre

       Repose. Je tousse toujours.

       Mardi 22 octobre

       Partis de Cortemarck à 10 h. ; arrivés vers 12 h. à Torhout ; peu détruit, excepté l’église et le chemin de fer.

       Mercredi 23 octobre

       Repos. Cantine.

       Jeudi 24 octobre

       Idem. Nous avons vu une photo d’une famille ayant eu des relations avec des Allemands.

       Lundi 4 novembre

       Quitté Torhout à 15 h. Arrivés à 17h30 à Ruddervoorde. C’était rudement dur de jouer ayant le sac au dos.

       Mardi 5 novembre

       Quitté Ruddervoorde à 9 h. Arrivés à 13 h. à Maria Aalter.

       Jeudi 7 novembre

       Quitté Aaltre Ste Marie à 7h ½, passé par Aalter, Bellem, arrivé à 12h. à Hansbeke (fort détruit) ; en route, rencontré Maurice Helaes ; au cantonnement Hyacinthe Liezen, Duquesne.

       Dimanche 10 novembre

       Levé à 4h. ; parti à 11h ½ ; passé par Nevele, Vosselarer, Leerne St Martin, Deurle; arrivé à Astene vers 16h.

       Lundi 11 novembre

       A 11h. Armistice. Enfin c’est fini. Musique.

       Mercredi 13 novembre

       Suis allé à Gand avec Fernande Temmerman ; entrée du Roi ; enthousiasme dans la foule ; partis à 11 h. Rentrés à 18h ½ ; rencontré Alma Philips ; leur étonnement.

       Jeudi 14 novembre

       Promenade jusque Deinze (très abîmé).

       Vendredi 15 novembre

       Sortie après-midi.

       Samedi 16 novembre

       Parti d’Astene vers 9 h. ; arrivés à 12h. à St Denis Westrem. A 8h. Le père de J ? Montoisy.

       Dimanche 17 novembre

       Partis à 7h ½ de St Denis Westrem, arrivés à Wetteren à 13 h. grand enthousiasme ; à 15 h ½ concert. Passés par Gand, Gentbrugge, Melle, Quatrecht.

       Lundi 18 novembre

       Partis de Wetteren à 9 h. Arrivés à Schoonaerde à 11 h. ; passés par Schellebelle, Wichelen.

       Mardi 19 novembre

       Repos ; promenade en musique ; le père et le frère de Detry sont arrivés

       Mercredi 20 novembre

       Quitté Schoonaerde à 8 h. arrivé à Opwijk à 13 h. ; logé au couvent ; passé par Appels, Termonde, St Gilles, Lebbeke.

       Jeudi 21 novembre

       Parti à 9 h. ; passé par Merchtem, Wolvertem; arrivé à 11h ½ à Meise ; à 14 h. à Bruxelles ; revu le bureau, MM. Deschamps et Rosoux morts ; accolade de Mrs Louis et Georges Boël ; bien accueilli ; je toucherai mes appointements pour la durée de la guerre[15]. A 16h ½ chez moi, après avoir passé chez Henri ; tous en très bonne santé. Père est vieilli et a perdu beaucoup d’argent[16]. En visite chez Jeanine Van Opsberg et Léontine ; couché avec mon oncle François.

       Vendredi 22 novembre

       Debout à 3 h. ; parti à 4h10 ; arrivé à Meise à 6h45, repos ; vers 8 h. voulant retourner chez moi, le Colonel m’en empêcha en commençant un concert à 15 h. ; à 16h ½ parti ; arrivé à 19 h. et rentré à minuit. Entrée du Roi à Bruxelles.

       Samedi 23 novembre

       Quitté Meise à 8 h. ; arrivé à 13h. à Campenhout ; passé par Grimberghen, Vilvorde, Peuthy, Perk et Berg.

       Dimanche 24 novembre

       Parti de Campenhout à 8h ½ ; arrivé à Lubbeek à 14h ½ ; passé par Buken, Herent, Wilsele, Louvain, Kessel-Lo, Landen.

       Lundi 25 novembre

       Parti à 8h40 ; passé par Binkom, Vissenaken, Tirlemenot, Grimde; arrivé à Wommersom à 13 h.

       Mardi 26 novembre

       Parti à 8h. pour Kozen, arrivé vers 13 h ½ ; passé par Orsmael, Dormaal, St Trond, Kortenbos.

       Mercredi 27 novembre

       Partis vers 8h ½, passés par Herck St Lambert, reçus avec enthousiasme à Hasselt ; arrivés à 11h. ; Pauline Donners ainsi que ses parents m’ont reçu avec affection.

       Jeudi 28 novembre

       À 13 h. partis pour Tongres ; arrivés à 18h ½.

       Vendredi 29 novembre A 8h. parti pour Ans ; arrivé à 14h.

       Samedi 30 novembre

       Entrée et revue par le Roi dans Liège, enthousiasme délirant.

       Dimanche 1^er décembre

       Promenade en ville

       Lundi 2 décembre

       Partis à 8h. ; tram à Rocourt à 10h ½ ; arrivés à Hasselt à 14 h. ; sortie en musique de 18 à 20 h.

       Mercredi 4 décembre

       Partis en congé ; à 4h ½ en auto jusque Tongres ; de Tongres à Rocourt en tram ; de Rocourt à Ans à pied ; d’Ans à Louvain en train (arrivée à 1h. du matin)

       Jeudi 5 décembre

       Quitté Louvain en tram à 7h. ; arrivé à Bruxelles à 10h.

       Vendredi 6 décembre

       Visite à Ohain-Genval[17]

       Samedi 7 décembre

       Promenade en ville

       Dimanche 8 décembre

       Fête chez Aimé

       Lundi 9 décembre

       Reçu chez Mr Pol.

       Mardi 10 décembre

       Sortie en ville avec Oncle Jean-Baptiste

       Mercredi 11 décembre

       Départ à 17 h. ; arrivée à Hasselt à 21 h.

       Dimanche 15 décembre

       Messe militaire

       Lundi 16 décembre

       Service pour les morts du 11^ème

       Jeudi 19 décembre

       Service pour les morts alliés. Chaque soir je passe une heure chez Donners, rue de la Chapelle, où je suis toujours bien accueilli. Le restant de mes loisirs je le passe à l’étude.

       Lundi 23 décembre

       Parti en congé le soir à 10h. ; arrivé à Bruxelles mardi 24 décembre à 7h ½. Pendant ce congé j’ai été voir Paillasse et La Tosca.

       Mardi 31 décembre

       Départ à 17h. ; arrivé à Hasselt à 21h. ; réveillon avec Pitje et riches Hasseltois

       Mercredi 1^er janvier 1919

       Rentré à 4h. du matin

       Jeudi 9 janvier

       Le Roi est venu à Hasselt, le soir concert au kiosque puis cortège en ville ; parti à 10h ½ avec Van Sterkenburg un train de marchandises pour Anvers. En panne à Berlaar ; marché jusque Lierre ; puis en tram Lierre-Anvers-Schaerbeek. Arrêté à Schaerbeek, obligé de retourner à Hasselt, arrivé vendredi 10 janvier à 9h. du soir.

       Lundi 13 janvier

       Après concert au kiosque, en permission jusque mercredi soir.

       Mardi 14 janvier

       Arrivé à 3h ½ à Bruxelles.

       Mercredi 15 janvier

       Retour à Hasselt

       Vendredi 17 janvier

       Départ de Hasselt pour Genk ; arrivé à 12 h.

       Dimanche 19 janvier

       Joué à la Comédie comme trombone.

Le carnet s’achève sur cette prestation, abruptement.... marquant le retour à une vie « normale ».