Médecins de la Grande Guerre
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Aurélie Lebeau, se
dévoua admirablement pour soulager les
blessés de Nalinnes Bernard Lejeune Aurélie LEBEAU, épouse Joseph GAUTHIER. Portrait photographique réalisé en 1917 (Archives familiales). A Nalinnes, des hommes et des femmes se portèrent volontaires pour soigner dans l’urgence les grands blessés. Une correspondance établie après-guerre entre les bourgmestres de Charleroi et de Nalinnes l'atteste : Charleroi, le 18 mai 1922 Monsieur le Bourgmestre, Je vous serais obligé de me
faire savoir les noms des blessés et tués français tombés, soignés ou inhumés
sur le territoire de votre commune, lors de la bataille des 23 et 24 août 1914.
Si vous pouvez donner le Régiment et l'arme dans laquelle ils servaient ainsi
que la Il y aurait lieu en effet de voir de plus près quelles sont les
personnes de votre commune qui se sont dévouées à cette occasion et je serais à même de faire les démarches auprès du gouvernement français à
l'occasion des pourparlers que je compte engager pur l'érection, à Charleroi, d'un monument
commémoratif à la France. Il y a une certaine urgence et
je vous prierais de me répondre pour mercredi soir au plus tard. Croyez à l'expression de mes
sentiments distingués (Signé) Emile Buisset Nous ignorons s'il s'agit-il d'un courrier particulier ou d'une lettre
circulaire à l'adresse de plusieurs bourgmestres. Quoiqu'il en soit, nous ne
disposons que d'un brouillon (feuille quadrillée, non datée, ratures et ajoutes
!) de la lettre que Gustave Dereydt, Bourgmestre de En substance, voici ce qu'il lui transmettait : M. le Bourgmestre, Pour répondre à votre
honorée du 18 courant, j'ai l'honneur de vous donner ci-dessous la liste des
soldats français inhumés dans le cimetière militaire de Nalinnes.[Suit la liste
de 22 noms, 17 du 11ge R.I. et S du Se R.I.]12 soldats
français, inhumés par les Allemands et qui n'ont pas été identifiés, sont
également inhumés dans ce cimetière militaire. Parmi les personnes qui se sont dévouées, nous tenons à signaler 1° Mme Joseph GAUTHIER, née Aurélie LEBEAU, qui a soigné les
blessés pendant toute la journée du 23 août avec un dévouement admirable, 2° MM. Théodore GONZE,
pharmacien, et Lucien MORRE, qui se sont chargés l'inhumation des soldats
tombés sur notre territoire, besogne très ingrate. Nous ignorons si le comportement courageux de ces deux hommes fut
ultérieurement reconnu. A ces deux Nalinnois, il
conviendrait d'ajouter le nom du docteur KRAENTZEL, cité par le Père A.
Lemaire, comme ayant secouru dans la soirée du samedi 22 (déjà en compagnie de
Mme Aurélie Lebeau) des blessés français évacués depuis Marcinelle - Haies. Non
mentionné le dimanche 23, sans doute s'était-il réfugié hors de la localité. Mère de cinq enfants, Aurélie Lebeau était âgée de 42 ans en août 1914.
Son rôle est mieux connu. Les archives familiales précieusement conservées par
ses descendants confirment combien spontané et sans borne fut le dévouement de
cette dame, par ailleurs nullement infirmière de profession, lorsqu'il s'agit
pour elle de porter assistance à de nombreux blessés français que des
brancardiers descendaient de la Praîle et du Pairain. Certains blessés ne manquèrent pas de lui témoigner toute leur
gratitude. De nombreuses lettres de remerciement lui parvinrent après le
conflit car ces mêmes invalides de guerre, internés en Allemagne au terme de
leur convalescence à Charleroi, durent attendre leur retour Il en est ainsi de Georges Duval, qui, depuis la région parisienne
écrit : La Garenne-Colombes,
Paris. Chère Madame, Excusez-moi si j'ai tant tardé à vous donner de mes nouvelles. Ne croyez-pas,
Madame, que je vous avais oubliée, non, loin de là. Je n' oublierai jamais les
bons soins que vous avais (sic) été la première à me prodiguer lors de cette
funeste bataille de Charleroi. Oui, Madame, c’est vous qui avez été la plus vaillante et la plus
brave lorsque je fus transporté dans le presbytère de Nalinnes. J'ai cependant
reçu de bons soins dans votre chère Belgique mais c 'est c’est de vous que j'ai
gardé le meilleur souvenir. Vous avez dû me trouver bien ingrat après avoir
passé un. si long temps sans vous remercier. J 'ai été interné en Allemagne après,
avoir quitté l’hôpital de Jumet où j'ai trouvé de bien braves gens pour me
soigner. Dans cette Allemagne, il était presque impossible de correspondre avec les Belges. Aussi, maintenant que je suis rentré chez moi, je me permets de
vous exprimer toute ma reconnaissance. Si j'avais le bonheur d’aller visiter cette chère petite Belgique,
Croyez bien, chère Madame que je me ferais un
plaisir d’aller moi-même vous exprimer de vive voix mes remerciements. Agréez, Madame, l'expression
de ma plus grande gratitude. Georg Duval, allées
du nord, 2 Garenne-Colombes, Seine Elle entretiendra avec un autre, Jules Henri MOLLIET, une correspondance
pendant de très nombreuses années et lui-même reviendra, à partir de 1919, à plusieurs
reprises à Nalinnes. Chef de poste au 5ème R.I., Jules Molliet avait été grièvement blessé aux jambes,
précise-t-il, Monsieur J.Gauthier-Lebeau,
peintre, Nalinnes Le soldat français dont vous avez eu beaucoup de soins : ce dont il
vous remercie encore. Molliet Jules est toujours en
traitement à l’hôpital sanatorium de Jumet. Il serait très heureux de rentrer
en possession de boussole qu’il vous a donnée en souvenir des bons soins que
vous lui avez procurés. Et plus heureux encore de recevoir votre visite ainsi
que celle de la bonne vieille dame qui l’a soigné. Si vous désirez le voir, de
même que d’autres blessés, munissez-vous
de ma carte ci-jointe pour entrer à l'hôpital. Si vous ne pouvez pas venir,
veuillez confier la boussole à monsieur
Alfred Thibaut ou au porteur de la présente qui la remettra au
café de la Lanterne où je la reprendrai pour la remettre à M. Molliet. Celui-ci m’a promis de vous envoyer un autre souvenir aussitôt
rentré en France. Veuillez gréez, Monsieur Gauthier, nos salutations bien.
sincères. Andre, Médecin vétérinaire Président de la commission
administrative de l’hôpital sanatorium de
Jumet. De ce premier contact, nous noterons que Jules MOLLIET, outre
l'expression de sa grande reconnaissance, souhaitait aussi récupérer sa
boussole! Pour ce faire, plusieurs procédures de restitution étaient même
proposées. L'accès aux chambres d'hôpital était permis, moyennant Chère Madame, Vous allez être stupéfaite en lisant cette lettre car celui qui vous l’écrit
a été dans vos mains voici 4 ans ½ ; enfin, Je vous avais promis d’écrire après la guerre et je
tiens parole. Je suis complètement remis mais j’ai un raccourcissement de 8 cm mais
que je corrige et ça ne se voit pas. J’espère chère Madame, que les dures épreuves que vous ont faites
les Boches n’ont pas attaqué votre robuste santé et que j’aurai le plaisir de
vous prendre comme cicérone le jour où j’irai en pieux pèlerinage à l’endroit
où je suis tombé. En l’espoir de vous lire, veuillez recevoir, avec tous mes
sentiments et reconnaissance, mes salutations distinguées. J’y joins celles de ma petite femme qui voudrait bien
connaître la charitable dame qui me débarbouilla au sortir de l’enfer. Votre tout affectionné, Jules Molliet,
41, Bvd de Suresnes, Versailles. A mon retour j’ai été décoré
de la croix de guerre et de la médaille militaire. Lettre des HOSPICES CIVLS de JUMET adressée à Joseph GAUTHIER, non datée mais présumée avoir été postée fin Août 1914 (Archives familiales). Les archives familiales contiennent d'autres billets écrits à la
main émanant de soldats français – Albert Blondel, Gaston Discailles,
etc. – qui, lorsqu'ils reçurent les premiers soins d’Aurélie Lebeau, lui
transmirent leur adresse postale afin qu'elle prévienne leur famille. Comment en effet expliquer autrement l'existence chez Mme Gauthier de
cet avis mortuaire au nom de Jules HARDY, de son vivant sous-caissier de la
Caisse d'Epargne à Etampes, lorsqu'on apprend que le même, mobilisé au 5e
R.I. en 1914 est décédé à Charleroi le 29 août Le pourquoi de l'acquisition par Aurélie Lebeau d'un fragile morceau de
papier contenant de manière manuscrite les données militaires – Caporal 5e
d’Inf, IIIè Bon , 12ème Cie, matricule 4476
– d' André JÉRAMEC requiert peut-être une autre explication. Sa fiche MPF
signale Les années qui vont suivre le conflit seront pour les familles
endeuillées une longue et incertaine quête au sujet d'un mari, d'un fils, d'un
frère « disparu » sur l' un des nombreux champs de bataille de
la guerre 14-18. Outre les démarches administratives qui permettaient, par
exemple, à la veuve de toucher une pension de la part de l’ Etat français, le
processus de recherche visait aussi à faire oublier aux familles que désormais
la tombe anonyme tant recherchée n'était plus celle d'un « disparu »
mais bien d'un corps qui avait droit, comme sur n'importe quelle autre
tombe, à ce que soient L'honorable réputation de « personne dévouée » attribuée
à Mme Gauthier était si répandue que, même dans les cas les plus désespérés, la
Croix-Rouge fit appel à elle avec l'espoir qu'elle puisse aider à les
solutionner. Ainsi, une fiche Mort pour la France signale que Paul
BEAUREPERE, sergent au 11ge R.I., [a été] tué à l'ennemi à
Malines le 25 août 1914 ! (Il faut évidemment lire : Nalinnes et
considérer comme certaine la date du 23 août comme étant celle de son
trépas). En réalité, sur La Croix-Rouge en est avertie et sa déléguée, à Charleroi, transmet la
demande à Mme Gauthier, jugeant qu'elle devait être la mieux informée. Charleroi, 29 avril 1919 « Madame Gauthier, J'ai appris que vous avez été infirmière à l'ambulance de Nalinnes
en 1914. Auriez-vous la bonne
obligeance de me dire si, par vous ou par l'une des dames infirmières, vos consœurs,
a été soigné le sergent français Paul Beaurepère qui,
parait-il, a été grièvement blessé au ventre par un obus et, non opérable,
serait mort le 25 août 1914 ? Le sergent Féroux,
du 11 Inf. aurait vu mourir le sergent Beaurepère
et c'est lui qui a donné ce renseignement à la mère du sergent Beaurepère. Depuis quatre ans, sans résultat, cette malheureuse mère recherche
des indications sur la mort et l'inhumation, et la tombe de son fils. J'espère, Madame, que vous voudrez bien me répondre à ce sujet et m'indiquer
aussi quelles étaient les infirmières de l'ambulance de Nalinnes en 1914, ainsi que leurs adresses. Madame
Barbier, de Nalinnes, a eu l'amabilité de me conseiller de m'adresser à vous. J'avais écrit à Monsieur le curé mais
je n'ai pas reçu de réponse depuis le 5 mars ! Avec mes remerciements
anticipés, veuillez recevoir, Madame, mes salutations distinguées, Els Barbier,
infirmière de guerre, déléguée de la Croix-Rouge de Genève. Me Aurélie Gauthier ne put hélas fournir aucune information puisque
Paul Beaurepère n'a à ce jour aucune tombe connue. Aurélie Lebeau fut récompensée pour le courage qu’elle montra en dispensant les soins aux blessés le 22 et
23 août 1914. Elle reçut (de la Croix-Rouge ou peut-être de la Reine Elisabeth) en 1919
la médaille émise par la Croix-Rouge en l’honneur de Marie Depage et d’Edith
Cavell. Et pour continuer… Le lecteur intéressé par les combats de Nalinnes sera sans doute
heureux de lire mon livre : « Recueil de documents
sur les combats qui se déroulèrent à Nalinnes le dimanche 23 août
1914 »,Edité par le Syndicat d’initiative de Nalinnes, 2014. Pour commander cet ouvrage : Bernard Lejeune |